L’automatisation, entre promesses non tenues et réalités contrastées

Introduction au dossier du numéro 24-25

Stephen BOUQUIN

La pandémie de Covid-19 a exacerbé la crise du travail, de production et de reproduction sociale. Si elle a rendu visibles les travailleurs des activités essentielles, elle a également renforcé les pouvoirs des entreprises de technologie numérique et accéléré la numérisation des activités de travail. Google, Apple et Salesforce construisent des logiciels de traçage des contacts. Palentir remporte des dizaines de contrats avec les départements de la santé et des services sociaux aux États-Unis et à travers l’Europe. Zoom permet aux jeunes d’étudier en distanciel et aux cadres de travailler de la maison. Netflix, Hulu et Twitch offrent des divertissements. Care.com aide les parents et les enfants à chercher des baby-sitters et des aides-soignants à domicile. Uber et Lyft sont disponibles pour ceux qui veulent échapper aux transports publics tandis qu’Instacart permet d’éviter les magasins. Amazon a embauché des centaines de milliers de travailleurs supplémentaires pour préparer et livrer les commandes réalisées en ligne, tout en continuant à vendre une grande partie de sa puissance de calcul. En effet, près de la moitié du cloud public mondial fonctionne sur Amazon Web Services, ajoutant 85 milliards de dollars à la fortune personnelle de Jeff Bezos depuis janvier 2020. Les multinationales du numérique sont devenues bien plus que des sociétés monopolistiques, elles fournissent des infrastructures sociales clés et se sont impliquées dans des réarrangements de notre vie quotidienne.

Face au développement fulgurant de ce que Cédric Durand appelle le « techno-féodalisme du numérique » (Durand, 2020), il faut néanmoins raison garder. Le robot-coursier Kiwi, qui effectue la livraison de repas sur les campus états-uniens, est en réalité guidé à distance à partir du Guatemala[1].  Il est vrai que les technologies numériques jouent un rôle de premier plan dans la mondialisation des échanges et qu’elles propulsent de nouvelles firmes multinationales, mais sans être en mesure de conjurer les crises économiques récurrentes, comme le démontrent l’éclatement de la bulle Internet en 2001, la crise financière de 2008-2010; ni de sortir de la stagnation économique déjà présente bien avant le déclenchement de la pandémie. Les chemins de fer, le moteur électrique ou l’automobile n’en étaient pas capables non plus. C’est pourquoi il est important de considérer les innovations technologiques et l’automatisation non comme une « variable indépendante », mais comme une « variable dépendante », déterminée par les logiques d’ensemble du système social capitaliste.

Promesses non tenues

Dans un essai intitulé Voitures volantes et taux de profit en déclin [2], l’anthropologue David Graeber, décédé récemment, se posait la question de savoir pourquoi le monde tel qu’il se l’imaginait lorsqu’il était encore un enfant était devenu celui que nous connaissons. Il ne faisait pas référence aux « mensonges sociaux » – comme l’éthique méritocratique que l’on inculque aux enfants – mais plutôt à la promesse générationnelle d’un avenir radieux grâce aux révolutions technologiques et scientifiques. Pour celles et ceux qui ont grandis dans les années 1960, marcher sur la Lune n’était que le prélude de la conquête de l’espace et chacun s’imaginait l’an 2000 comme un monde bouleversé par la science et la technique.  Vingt ans après l’an 2000, on est loin du compte…

«Mais où sont les voitures volantes ? Où sont les champs de force, les faisceaux tracteurs, les lasers, les nacelles de téléportation, les traîneaux anti-gravité, les tricordeurs, les drogues d’immortalité, les colonies sur Mars et toutes les autres merveilles technologiques que tout enfant grandissant du milieu à la fin du XXe siècle supposait exister dans un futur proche ? Même les inventions qui semblaient prêtes à se réaliser – comme le clonage ou la cryogénie – ont fini par trahir leurs nobles promesses. Que leur est-il arrivé ? Certes, nous sommes bien informés des merveilles des ordinateurs, comme s’il s’agissait d’une sorte de compensation inattendue mais, en réalité, nous n’avons même pas réussi à conduire l’informatique au point de progrès auquel les scientifiques des années 1950 s’attendaient au niveau de ce que nous avons atteint maintenant. Nous n’avons pas d’ordinateurs avec lesquels nous pouvons avoir une conversation intéressante, ni de robots capables de promener nos chiens ou de sortir nos vêtements de la machine à laver. […] En réalité, l’âge présent correspond autant aux espoirs et attentes que prévalaient il y a cinquante ans que la vie de la famille Pierrafeu correspond à l’âge de pierre… »

Pour Graeber, le déclin des innovations technoscientifiques s’explique aisément. La recherche scientifique est devenue un champ de bataille entre « professionnels de l’autopromotion, en compétition perpétuelle », ce qui réduit d’autant l’émulation et l’échange de savoirs indispensables aux découvertes scientifiques. D’autre part, depuis les années 1970, l’investissement dans la recherche est passée de technologies associées à la possibilité d’avenirs différents à des technologies appliquées mobilisables par le complexe militaro-industriel sinon dans la course aux profits. En d’autres termes, la recherche scientifique fondamentale a été marginalisée par effet combiné d’une compétition croissante, du militarisme et du principe de rentabilité. On pourrait sans doute nuancer les choses. Dans beaucoup de pays, les chercheurs continuent à servir le « bien commun ».  Inutile aussi de penser le passé comme un âge d’or puisque dans les années 1930 ou 1950, le pouvoir du complexe militaro-industriel se faisait sentir aussi …

En revanche, là où Graeber se trompe véritablement, c’est quand il considère la révolution cybernétique a été appréhendé de la même manière par tout le monde, et ce y compris les penseurs critiques, d’inspiration marxiste notamment. Ainsi, selon Graeber, y compris l’économiste marxiste Ernest Mandel annonçait dans les années 1970 que l’humanité se situait sur le seuil d’une troisième révolution technologique « aussi profonde que la révolution agraire ou industrielle, dans laquelle les ordinateurs, les robots, les nouvelles ressources énergétiques et les technologies informationnelles remplaceraient le travail industriel, conduirait à la fin du travail et nous réduirait tous au rôle de designers et d’informaticiens bardés de visions folles sur ce que les usines cybernétiques devraient produire ».

 Or, c’est bien l’inverse qui est vrai car dès 1972, Mandel reconnaît certes au capitalisme d’avoir su assurer une croissance prolongée depuis la seconde mondiale, mais rejette l’idée que cette situation puisse se prolonger indéfiniment grâce à l’innovation technoscientifique[3]. Il critique les thèses de l’époque annonçant une automatisation complète en expliquant que celle-ci est impossible dans un cadre capitaliste, notamment parce qu’elle implique une suppression des profits tirées de la prestation de travail que les systèmes automatisés ne peuvent générer. Plus tard, dans un texte paru en 1986, Mandel approfondit son analyse en expliquant combien l’automatisation réduira le travail socialement nécessaire sans être en mesure d’abolir le travail en tant que tel :

« Nous avions déjà indiqué, dans le Capitalisme du troisième âge, que sous le capitalisme, l’automation complète, l’introduction de robots sur grande échelle sont impossibles car elles impliqueraient la disparition de l’économie de marché, de l’argent, du capital et des profits. Dans une économie socialisée, la robotique serait un merveilleux instrument d’émancipation humaine. Elle rendrait possible la semaine du travail de 10 heures. Elle donnerait aux hommes et aux femmes tout le temps nécessaire à l’autogestion de l’économie et de la société, au développement d’une individualité sociale riche pour tous et toutes. Elle permettrait la disparition de la division sociale du travail entre administrateurs et administrés, le dépérissement rapide de l’Etat, de toute coercition ou violence entre les êtres humains.» (Mandel, 1986)

La vision rétrospective de David Graeber n’est donc pas exempte de critique tant il est vrai qu’il mesure le « retard » technologique à l’aune de l’imaginaire de la science-fiction ou du point de vue de la doxa officielle. Quoi qu’il en soit, notre présent n’est pas celui des colonies sur Mars, ce qui n’empêche nullement un Elon Musk de répéter à profusion que les inventions permettant de voyager dans l’espace sont sur le point d’être concrétisées… Un cran au-dessous de ces rêveries techno-futuristes, nous retrouvons le retour des discours annonçant l’avènement de l’ère des robots. En effet, récemment, plusieurs ouvrages développant une telle narration sont devenus des best-sellers aux Etats-Unis : The Second Machine Age, d’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee (2014), ou encore The Rise of the Robots: Technology and the Threat of Mass Unemployment, de Martin Ford (2016). 

 Dans le monde des cabinets conseils, de McKinsey, du MIT ou de la Banque mondiale, les analyses des experts convergent pour considérer qu’un emploi sur deux serait directement menacé par la robotisation. Ces analyses catastrophistes nous ont conduits en 2018, en tant que collectif éditorial des Mondes du Travail, à programmer un dossier sur la question de l’automatisation au sens large, c’est-à-dire en y intégrant la robotisation, l’intelligence artificielle (IA) et les technologies numériques.

Au vu de l’ampleur des changements en cours et de la vigueur avec laquelle l’automatisation est présentée comme inéluctable, il est de salubrité publique de remettre en cause la doxa politico-médiatique en faisant le tri entre la mythologie futuriste et ce qui relève de la réalité concrète. C’est le premier objectif du dossier auquel s’ajoute une raison d’être non moins importante : il ne suffit pas d’être sceptique devant les mythes futuristes pour mieux comprendre les changements en cours. Pour avancer dans ce sens, il faut mettre à nu les logiques qui déterminent l’automatisation et l’innovation technologique. Ceci implique aussi de sortir du cadre de l’étude des situations de travail et d’élargir le questionnement au niveau du système social dans son ensemble, ce qui n’est pas chose aisée… Mais peut-on se satisfaire d’explications partielles ?

La tentation du déterminisme technologique

Tant du côté des économistes que des sociologues, la tentation du déterminisme technologique semble irrépressible. Pour la majorité des économistes, (néo)classiques ou hétérodoxes, il existe une tendance systématique à considérer l’innovation produit et l’innovation du procès de production comme étant propulsés par la concurrence et compétition sur le marché. William Baumol résume parfaitement ce schéma de lecture :

« Le mécanisme du marché réalise son efficacité à travers l’adaptation aux désirs des consommateurs en favorisant des avantages compétitifs qui fournissent une profitabilité plus élevée aux firmes plus efficaces. La firme qui laisse ses concurrents faire usage de produits et de process innovants subira une perte de profitabilité. Elle devra innover ou mourir.» (Baumol, 2002, p. 15).

Joseph Schumpeter, lecteur assidu de Karl Marx, de Friedrich Nietsche comme de Werner Sombart, s’est fait connaître comme le théoricien de l’innovation. Pour Schumpeter, « l’ouragan perpétuel » de la destruction créatrice crée les bases d’une nouvelle période de croissance économique où les innovations technologiques jouent un rôle clef, à côté des innovations-produit et organisationnelles qui interagissent en se renforçant pour former des « grappes d’innovations ».

« L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle – tous éléments créés par l’initiative capitaliste. […] L’ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l’atelier artisanal et la manufacture jusqu’aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d’autres exemples du même processus de mutation industrielle – si l’on me passe cette expression biologique – qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de “destruction créatrice” constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c’est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s’y adapter » (Schumpeter, 1943 [1951], p. 106-107.

Le doute est permis quant au caractère universel de l’analyse schumpeterienne. Toutes les innovations ne détruisent pas et ne remplacent pas les activités qui les ont précédées – le vélo inventé en 1980 n’a rien détruit – et le mouvement de l’innovation demeure hétérogène dans l’espace et dans le temps, aux antipodes son approche évolutionniste. L’innovation connaît aussi des échecs, et se situe parfois à contretemps de l’évolution conjoncturelle macro-économique. Cela étant, l’idée de la destruction créatrice continue d’avoir un très large écho, mais c’est peut-être d’abord dû à son pouvoir performatif.

Du côté de la sociologie, force est de constater que cette la fascination pour la technique forme une sorte de « tropisme » conjoncturel. Ainsi, au cours des années 1950-1960, les travaux de Pierre Naville, de Georges Friedmann et d’Alain Touraine abordaient tous à leur manière la question du changement technologique alors en cours, que ce soit sous l’angle de l’impact sur les relations de travail, sur la qualification, la rémunération ou l’organisation du travail.

Selon le schéma historico-descriptif élaboré par Alain Touraine dans L’Évolution du travail ouvrier aux usines Renault (1955), la phase A se caractérisait par une industrie de fabrication mobilisant un savoir-faire professionnel. Initiée au début de l’ère industrielle, elle était alors en train de s’effacer pour laisser la place à la phase B qui correspond à la production de grandes séries, mobilisant des machines spécialisées et un travail parcellisé déqualifiant. Cette phase serait par la suite supplantée par la phase C, avec des systèmes de fabrication semi ou pleinement automatisés, nécessitant avant une intervention qualifiée de surveillance et de maintenance. Pour Touraine, l’évolution générale de la phase A à la phase C correspond au passage d’un système professionnel qui repose sur l’autonomie professionnelle de l’ouvrier qualifié de fabrication à un système technique de travail défini par la priorité accordée à un système technique d’organisation sur l’exécution individuelle du travail.

Ce schéma historico-descriptif fut critiqué par d’autres qui, à l’instar de Pierre Naville, analysaient l’automation à partir de dynamiques contradictoires. Ainsi, l’automatisation, qui induit une dissociation (séparation) croissante entre opération et opérateur, peut non seulement déqualifier les salariés mais aussi les libérer des contraintes inutiles d’un savoir-faire professionnel devenu caduc, avec, comme conséquences, la possibilité d’une requalification, d’une polyvalence et d’une plus grande liberté de « circuler » dans le processus de production. L’automation permet également de dissocier le temps-machine du temps de travail humain, ce qui facilite (en théorie) une réduction massive du temps de travail comme l’a montré William Grossin (1967). Mais cette dissociation expose également le travail humain à des automatismes sociaux tels que le flux tendu ou la flexibilité temporelle et contractuelle. Pour Naville, si la technologie demeure subordonnée au rapport salarial, elle fait partie intégrante des relations de travail avec des rapports de force qui déterminent leur évolution.

Avec le recul de plus d’un demi-siècle, plusieurs choses sont à observer. Tout d’abord le fait que les situations de travail des phases A, B et C sont encore présentes aujourd’hui. Dans certains secteurs, comme la robinetterie ou l’aéronautique, le travail à façon et les petites séries exigent toujours des interventions d’opérateurs professionnels expérimentés qui contrôlent le procès de travail. Les industries qui correspondent à la phase B, comme le secteur automobile, mobilisent encore du travail parcellisé et répétitif, même si l’automatisation de certaines activités – peinture, tôlerie – s’est fortement étendue. D’un point de vue global, la phase B est toujours présente, mais une large fraction de ces activités ont été délocalisées vers les pays à bas salaires. Quant au travail qui correspond à la phase C, s’il a connu un développement depuis la fin du XXe siècle, il ne s’est nullement généralisé – y compris dans les pays anciennement industrialisés. Remarquons aussi que le travail à contenu technologique élevé (pour résumer, celui des ingénieurs, des techniciens, des développeurs et des ouvriers hautement qualifiés) ne s’est nullement émancipé de la tutelle du rapport salarial, contrairement à ce que Touraine avait envisagé (Touraine, 1965 ; 1969).

Des travaux de Pierre Naville, on peut dire que les potentialités cachées de l’automatisation ne sont pas réalisées puisque la division du travail est restée globalement inchangée tandis que la flexibilisation s’est imposée contre la réduction du temps de travail. Naville n’excluait pas l’éventualité d’une régression sociale, ce le poussait à poursuivre la rédaction d’écrits plus militants comme en témoigne le recueil d’articles à propos de l’action ouvrière contre le régime gaulliste (Naville, 1964) ou encore sa participation à l’ouvrage édité par la CFDT intitulé Les dégâts du progrès. Les travailleurs face au changement technique (CFDT, 1977).

A la fin des années 1970, les sociologues du travail réinvestissent la question de la modernisation technologique en reprenant les analyses des économistes de l’école de la régulation. Voyant dans l’épuisement du régime d’accumulation la raison de la crise économique, bon nombre d’entre eux, à l’instar de Michel Aglietta (1976) et Robert Boyer (1986), se sont mis à la recherche d’un nouveau modèle productif, source d’une nouvelle ère de prospérité. Rétrospectivement, attendre des nouvelles technologies et du travail post-taylorien qu’ils favorisent un nouveau compromis relève d’une dérive techniciste, doublée d’une myopie historique. Car, si compromis il y a eu durant la période de l’après-guerre, il n’était ni programmé ni prévisible [4] et on peut se demander pourquoi ce serait le cas par la suite ? Le retournement des années 1970 correspond autant à la chute de la profitabilité – due à la saturation des débouchés et à l’importance des concessions faites au salariat mobilisé – et conduit à l’inversion des rapports de force, grâce au chômage notamment. Aujourd’hui, après trois décennies de restructuration « néolibérale » de la condition salariale, il faut bien admettre qu’un « nouveau compromis » n’a jamais vu le jour et que le maintien de la profitabilité du capital à un niveau suffisamment élevé représente le premier principe structurant des transformations que l’on a connues.

Au début des années 1990, le questionnement sociologique s’est davantage focalisé sur l’étude des organisations et des entreprises, en laissant quelque peu dans l’ombre l’analyse critique des changements technologiques et leur impact sur les relations de travail. Il est vrai que les transformations qui s’appliquaient alors étaient d’abord de nature organisationnelle et managériale, pensons à l’éclatement de l’entreprise, le développement de la sous-traitance ou encore la montée du management par projet, autre manière de subdiviser le procès de travail afin de le recomposer sur des bases plus conformes à la culture d’entreprise et la corporate governance. Vers la fin de cette décennie, le regard sociologique s’est recentré sur les phénomènes de précarisation de l’emploi et de dégradation des conditions de travail. Au lieu de continuer à espérer le retour de la prospérité grâce à l’innovation technologique, il a bien fallu reconnaître la persistance voire la recrudescence des pénibilités dans le travail (Gollac, Volkoff, 1996 ; Baudelot et al., 2003; Coutrot, 1998) et les bénéfices que l’on pouvait tirer d’une précarisation de segments entiers du salariat, notamment grâce au retour de l’armée de réserve industrielle (Bouquin, 2006)[5].

Certains auteurs, en particulier se revendiquant de l’approche « opéraïste » (Moulier-Boutang, 2008 ; Negri et  Vercelone, 2008), ont vu dans la montée en puissance du travail cognitif l’émergence d’une société de la connaissance. Suivant une lecture évolutionniste, le mouvement d’automatisation serait amené à se généraliser à l’ensemble des activités simples jusqu’au point où il ne resterait plus que le travail cognitif et créatif comme activités résiduelles non automatisables. Et puisque les travailleurs « possèdent » sur le plan cognitif « les moyens de produire », le travail cognitif était en mesure de résister organiquement à la subsomption [6].

Ironiquement, cette vision optimiste a commencé à perdre beaucoup de crédibilité lorsque le travail s’est vu être exposé au fonctionnement prédateur d’un capitalisme hautement informationnel, il y a de cela une dizaine d’années environ. Les technologies du numériques permettent la traçabilité de l’activité de chacun (navigation embarquée, la signature du « faire » au travail) mais déterminent aussi la mise au travail via le capitalisme de plateformes et les algorithmes. Forcément, le regard sur les technologies de l’information et de la communication est redevenu critique et il a bien fallu admettre combien ces dispositifs techniques permettent de soumettre des travailleurs « ubérisés » à la logique de valorisation.

Depuis lors, le numérique et l’informatique ne sont plus investis d’espoirs émancipateurs, mais se retrouvent au contraire appréhendés comme étant des outils d’asservissement et de régression sociale. Après le techno-futurisme optimiste est venu le temps du techno-pessimisme avec les technologies dystopiques d’asservissement…

Or, l’évolution historique et sociale finit toujours par contredire le déterminisme technologique, tant sur le versant des espoirs naïfs que du côté des craintes teintées de techno-phobie [7]. Certes, la modernisation technoscientifique est loin d’être neutre. Elle est effectivement une arme tenue en main par le management et elle sert un double objectif que sont l’amélioration de la profitabilité des capitaux investis et celui de l’amélioration de la performance du travail humain. Cela, on le sait depuis les travaux de Marx sur la question du machinisme. Mais reconnaître cette vérité signifie aussi que les innovations technologiques ne sont pas à même de supprimer l’antagonisme capital-travail, puisqu’elles en incarnent une des dimensions. Il est par conséquent tout aussi « vrai » qu’elles ne font que déplacer l’antagonisme capital-travail à un autre niveau. Les outils technologiques, même conçus avec l’impératif d’augmenter le rendement du travail vivant – notamment en surveillant de près son engagement – sont toujours à double tranchant. Ces outils facilitent aussi, pour ceux qui savent les manier, l’organisation collective, ils accélèrent les flux de communication tout en ayant un effet corrosif sur les rapports de pouvoir, ne serait-ce qu’en révélant la verticalité de ceux-ci, alors que leur usage pourrait « horizontaliser les échanges et contribuer à démocratiser les rapports sociaux[8].

Cette lecture dialectique des innovations, qui fut privilégiée par Jean Lojkine (1992) dans ses analyses de la révolution informationnelle, permet d’entrevoir un potentiel disruptif puisqu’elle facilite des échanges directs et contribue au développement d’une expertise collective indispensable à la démocratisation des rapports sociaux, notamment dans la sphère du travail.

Un chantier permanent

A rebours d’une analyse réductionniste marquée par le déterminisme technologique, il nous semble urgent d’élargir la perspective en prenant en compte un certain nombre de leçons historiques et sociologiques qu’il convient de confronter aux réalités contemporaines.

De manière générale, on peut dire que les découvertes, les trouvailles et les innovations sont autant le fruit du hasard que d’une nécessité historiquement située (Kuhn, 1962 ; Feyerabend, 1975). Comme le rappelle judicieusement Yuval Noah Harari (Harari, 2015), dans l’Egypte antique, il existait forcément un lien entre les crues du Nil, le solstice, l’agriculture, le développement des mathématiques et l’astronomie. Une découverte scientifique ne trouve pas nécessairement une application immédiate. Ainsi, bien avant à James Watt, des dizaines d’inventions mobilisaient déjà l’énergie à vapeur, notamment l’éolipyle d’Héron d’Alexandrie au premier siècle après J.-C. De la même manière, Charles Babbage inventa la machine à calculer bien avant l’ordinateur tandis que l’Arpanet, prédécesseur d’Internet, fut développé en pleine guerre froide pour faire face au risque d’explosion nucléaire, près de quarante ans avant sa diffusion massive. L’application des découvertes scientifiques répond à des besoins réels tout en étant marquée par les rapports sociaux en vigueur. Le cas de la recherche génétique l’illustre parfaitement, initiée pour des raisons médicales, elle s’est étendue pour servir de plus en plus la cause d’une marchandisation du vivant.

Dans le système social capitaliste, contrairement aux thèses dominantes en économie, l’innovation est d’abord le symptôme de limites éprouvées dans le cycle d’accumulation qui représente une réponse circonstanciée visant à prolonger son mouvement perpétuel (Smith, 2000 ; 2020). La tradition critique en sociologie, que l’on retrouve chez Pierre Dubois (1978)[9] et de façon plus systématique chez Jean-Marie Vincent (1987), considère l’innovation technologique comme loin d’être neutre puisqu’elle répond à des finalités à la fois économiques et politiques. Comme le machinisme en son temps, le numérique a pour but, au-delà de la réduction des coûts et d’une combinaison optimale des moyens et des fins, « de soumettre plus complètement les travailleurs en les dépouillant de la force sociale qu’ils développent dans la coopération » [10].  Si on ne peut conférer aux transformations techniques du travail un rôle explicatif en soi ne signifie pas que la technique ne serait que la manifestation d’un déterminisme socio-économique. « La technique représente un rapport de rapports, une suite de processus apparemment autonomes dans leur objectivité instrumentale, mais liés à la dynamique du capital et du travail dans leurs mouvements profonds » (Vincent, 1987, p. 66). Les rapports de production ne se heurtent pas à la technique – puisque celle-ci est une de leur manifestation –, mais bien aux forces productives humaines asservies :

« Dans la marche forcée de laccumulation, le capital tend à se développer de façon illimitée, cestàdire sans tenir compte des limites qui lui sont opposées par les hommes au travail et les relations que ces derniers doivent établir avec leur environnement en fonction d’une production en progression quasi continue. […] Pour faire face aux crises qu’il engendre, le capital est amené à nier les obstacles en utilisant la technique pour briser les résistances humaines et matérielles, dans le but de faire reculer sans cesse les frontières du monde qui peut être mis en valeur » (Vincent, ibid.).

Dans un monde dominé par la logique de valorisation, la technologie est à la fois combinaison des moyens et des fins, recherche du moindre coût et mise en place de rapports socialement conditionnés entre les agents et les conditions de la production sociale.

Par conséquent, la technologie n’a plus grand-chose à voir avec ce pourquoi elle se donne – mise à jour des modes d’utilisation des ressources matérielles et cognitives – car elle impose une relation au monde objectif dans un contexte de subordination d’une partie de la société à cette relation.

Depuis Marx, nous disposons de l’outillage analytique qui permet de comprendre que l’automatisation répond à la nécessité de substituer le travail vivant par du « travail mort » (les machines) afin de rétablir ou maintenir la profitabilité du capital. Nous pouvons historiquement vérifier que les technologies cherchent également à briser les résistances et les oppositions sociales des collectifs de travail (Dubois, 1978 ; Noble, 1978 ; Gartman, 1986). Nous savons également (Mandel, 1972 ; 1986) que cette automatisation ne va pas éliminer le travail vivant mais expulser une fraction de celui-ci, tout en exigeant d’être compensée en termes de coûts croissants des capitaux fixes par une intensification du travail et le développement de formes d’accumulation primitive. L’automatisation va donc générer en son sein comme dans sa périphérie le développement d’un travail non automatisé, exposé bien souvent à des formes de surexploitation avec des salaires inférieurs au standards sociaux en vigueur.

Ce notamment grâce à ces fondements théoriques que le concept du digital labor ou du micro-travail a vu le jour[11]. Nous avons consacré une large partie du grand entretien avec Antonio A. Casilli à cette approche étayée de manière approfondie dans le livre En attendant les robots (Casilli, 2019). Dans les services, l’automatisation coïncide avec le transfert d’un travail vers le client, l’usager que l’on fait travailler gratuitement, tandis que l’automatisation des modes de communication via les révolutions informationnelles correspond l’émergence du « produsager » du micro-travail[12]. Il faut, pour compléter le tableau, ne pas oublier de mentionner la permanence d’un vaste volume de travail manuel d’assemblage dans les pays à bas salaires comme l’illustre l’existence de méga-usines de Foxconn employant près de 400 000 ouvriers rien que dans la ville de Shenzhen et entièrement dédié à la production de microcomposants [13].

 Précisons que le dossier que nous publions dans ce numéro peut se lire comme une invitation à conduire des recherches (inter)disciplinaires qui approfondiront certains aspects traités partiellement tout comme un appel à investir des questionnements « écosystémiques » abordant de manière transversale des phénomènes comme la pandémie du Covid-19 ou la crise écologique.

Le dossier s’ouvre avec un premier article de Stephen Bouquin L’automatisation, une arme de destruction massive de l’emploi ?, qui met en évidence le caractère disparate de l’automation. L’idée que l’automatisation est une arme de destruction massive des emplois est un leurre, sinon une fausse menace qui sert à faire peur. En effet, malgré les discours alarmistes, la robotisation demeure très limitée tandis que l’Intelligence artificielle n’arrive pas à tenir ses promesses. Au final, c’est d’abord la numérisation tant du travail que du hors-travail qui s’est développée de manière fulgurante et dont l’efficacité dans la collecte et le traitement d’informations est indéniable.

Les plateformes de travail et service représentent en quelque sorte la quintessence de la numérisation. Il est donc important de mieux connaître leur fonctionnement du point de vue des travailleurs « ubérisés». L’article de Daniela Leonardi, Emiliana Armano, Annalisa Murgia, intitulé Plateformes numériques et formes de résistance de la subjectivité précaire. Le cas de Foodora montre que des grains de sable peuvent enrayer la machine. Chercheuses en sociologie, elles ont étudié les interactions sociales que structure une plateforme de livraisons de repas. Basée sur une co-recherche, l’enquête offre des clés de compréhension à partir d’une double réalité, à la fois virtuelle et matérielle, qui se territorialise au travers des conditions de livraisons et de leur rémunération. Les résultats de l’enquête montrent que l’expérience de travail des livreurs-coursiers combine non seulement une flexibilité contrainte, mais aussi des résistances aux formes de contrôle et d’assujettissement, et ce y compris avec des conflits ouverts qui dépassent la dimension interpersonnelle.

Dans un troisième article Les innovations technologiques, une avancée pour l’égalité hommes-femmes ?, Haude Rivoal montre comment, dans « les usines du futur » que sont les entrepôts de logistique, les innovations technologiques jouent un rôle majeur dans le maintien d’une hégémonie de la figure du travailleur masculin. Malgré la féminisation de l’encadrement intermédiaire, la division du travail et la répartition des métiers demeurent fortement marquées par les rapports sociaux de genre. La baisse de la pénibilité physique que certains dispositifs permettent se combine avec une hausse de l’intensité du travail, favorisant le maintien d’un monopole masculin.

À la suite de cet la, nous publions le compte rendu d’une enquête sur le développement du micro-travail en France Quel statut pour les “petits doigts” de l’intelligence artificielle ? Présent et perspectives du micro-travail en France, de Clément Le Ludec, Elinor Wahal, Antonio A. Casilli et Paola Tubaro. En questionnant la nature de ces activités, les auteur.e.s apportent une réponse sociologique en identifiant celles-ci au digital labor également appelé micro-travail. Ce micro-travail, déjà évoqué dans le grand entretien avec Antonio A. Casilli, représente une activité sociale souvent invisibilisée mais qui produit néanmoins, à peu de frais sinon gratuitement, de la valeur captée par les géants du Net et leurs petits cousins qui fournissent et commercialisent des données nécessaires à la poursuite de l’automatisation. Les auteur.e.s mettent en évidence combien ce micro-travail est socialement régressif et combien il impose une subordination aux micro-travailleurs. La question de statut permet aussi de proposer une série de régulations qui devraient limiter et encadrer le développement de ces nouvelles formes de captation et de mobilisation de valeurs créées par le travail.

L’entretien avec Sophie Binet, cosecrétaire de l’Ugict-CGT, sur le développement du télétravail et du numérique en général, permet d’étendre le champ de vision à l’action collective et au monde syndical. Il apporte des éléments d’information sur le télétravail pendant la période de confinement. Pour Sophie Binet, il est évident que le patronat a désormais compris qu’il pouvait avoir intérêt à voir le télétravail se diffuser. Mais il n’est pas le seul car les salariés, cadres et techniciens sont également demandeurs de plages en télétravail, notamment pour échapper à open space et pour maîtriser davantage leur engagement dans le travail. Le numérique est certainement un outil de contrôle, mais il peut aussi servir au combat syndical, de la syndicalisation à l’action collective. Le mouvement syndical ne peut continuer à l’ignorer et devrait investir pleinement le numérique comme un terrain de lutte et de revendications.

La deuxième partie du dossier rassemble plusieurs articles qui apportent des éléments de compréhension historiques ou théoriques. De Matthew Cole nous publions une traduction de Machines intelligentes. Une synthèse historique publié en 2018 par le think tank Autonomy[14]. Dans cet article, Matthew Cole expose une synthèse de l’histoire des machines intelligentes, à la fois au niveau de l’imaginaire scientifique qui les sous-tend qu’au niveau des différentes manières imparfaites de concrétiser celles-ci. Les dernières évolutions de l’IA recèlent des possibilités de simulation de l’intelligence humaine dont on ne peut encore préjuger. Pour Matthew Cole, un fil rouge relie l’IA aux premières tentatives de construire un automate et ce fil rouge est tout aussi prométhéen dans son ambition que positiviste dans sa manière d’appréhender la science ; ce qui peut déboucher sur le meilleur et comme le pire.

Matteo Pasquinelli nous invite à revenir sur les origines du General Intellect chez Marx. Dans cet article initialement publié dans la revue Radical Philosophy (hiver 2019), Pasquinelli déconstruit ce concept souvent mobilisé par les auteurs de la tradition opéraïste. Contrairement aux idées reçues, la notion de General Intellect, que l’on retrouve uniquement dans le « Fragment sur les machines » publiés dans les carnets de notes qu’on appelle communément les Grundrisse, est loin d’avoir cette capacité explicative presque « magique » de l’évolution du capitalisme et elle représente encore moins une sorte de prophétie cachée à propos de son dépassement. Pour Matteo Pasquinelli, le General Intellect représente d’abord une étape dans le développement de la pensée de Marx, qui exprime sa compréhension du machinisme, ses liens avec la division du travail et ensuite la reconnaissance de « l’intellectualisation » croissante du travail lorsque celui-ci s’automatise. Le problème de la mesure et de la quantification de ce travail intellectualisé demeure non résolu à ce jour, ce qui ne signifie pas forcément que le management ne cherche pas à mettre en place de outils numériques cherchant à le contrôler et à rendre son évaluation mesurable.

Le dossier serait resté incomplet sans un retour critique sur les travaux de Pierre Naville, et en particulier l’ouvrage Vers l’automatisme social ?, consacré à la question de l’automatisation. Dans Travail, techniques automatisées et nouvelles aliénations sociales Pierre Naville et l’automation, Sébastien Petit revient sur la place croissante des machines dans les espaces sociaux et dans les situations de travail. Dans les années 1960, Pierre Naville abordait cet enjeu et proposait une contribution majeure à l’analyse d’un système productif qui incarne au plus haut point cette expansion généralisée des techniques automatisées et de l’automation. L’article permet de revenir sur les recherches de Naville ayant trait à l’automation en mettant en lumière à la fois les éléments centraux de son analyse et le cadre sociologique qu’il a construit pour situer la mise en rapport du travail et des techniques dans le capitalisme contemporain.

Le dernier papier du dossier, intitulé Lautomatisation et ses dérives technicistes, de Paul Santelmann, exprime un point de vue informé par une longue expérience de terrain sur le plan de la formation professionnelle des cadres et des ingénieurs. A l’évidence, l’automatisation n’est pas une question nouvelle et il faut continuer à considérer celle-ci comme un volet essentiel de la négociation collective, ce qui implique une capacité des salariés et de leurs représentants à s’emparer de cet enjeu. En France, les représentations des innovations technologiques s’inscrivent dans une vision rigide et technocratique de la division du travail. Ainsi l’automatisation et la robotisation sont généralement appréhendées sur la base de modèles macro-économiques qui privilégient une approche par l’emploi au détriment de l’analyse du travail réel. Selon Paul Santelmann, il faut continuer à poser la question des différentes formes d’automatisation possible en analysant ce qu’elles disent du sens des innovations technologiques : « Le débat n’est pas que technique, il concerne la façon dont le travail s’organise en lien avec la place que l’Etat concède à la démocratie sociale et à la négociation collective. » Sa contribution exprime une critique des innovations technologiques conduites sous l’égide de conceptions court-termistes du « progrès » technique qui se sont structurées dans l’économie dirigée de l’après-guerre, une période marquée par une « gestion » de la main-d’œuvre porteuse de nombreuses discriminations – immigrés, femmes, jeunes. Il est regrettable que les tendances rationalistes et technicistes aient dominé les transformations du travail, dévitalisé les cultures professionnelles et tenu à l’écart le système démocratique qui s’y est souvent résigné.

 

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[1] Sur le robot-coursier Kiwi faussement autonome, voir https://thehustle.co/kiwibots-autonomous-food-delivery/

[2]  David Graeber, Bureaucratie. L’utopie des règles, Paris, LLL, 2015, p. 304 ; version originale publiée en ligne en 2012 https://thebaffler.com/salvos/of-flying-cars-and-the-declining-rate-of-profit.

[3] Ernest Mandel, Spätkapitalismus, thèse de doctorat soutenue en 1972 sous la direction d’Elmar Altvater à l’Université libre de Berlin, et publiée en anglais en 1975 sous le titre Late Capitalism et publié en français sous le titre de Le Troisième Age du capitalisme (1976).

[4] Contrairement aux thèses de l’école de la régulation, le socle de droits sociaux et l’Etat providentiel que l’on a connus dans les pays de l’Ouest européen étaient d’abord la résultante d’un compromis imprévu et improbable, tant entre capital et travail qu’entre bloc capitaliste fragilisé de l’intérieur et bloc bureaucratique soviétique consolidé après la victoire sur le nazisme. Si le régime d’accumulation fordien était devenu caduc et dysfonctionnel, le nouveau régime d’accumulation laissait peu de place au compromis et s’avère plutôt fondé sur un approfondissement des inégalités et une précarisation de la condition salariale.

[5] Si la surpopulation relativesur le marché du travail représente un intervalle qui correspond au transfert d’emplois d’un secteur à l’autre, comme le défend la théorie du déversement d’Alfred Sauvy (1980), le chômage structurel permet, quant à lui, d’obtenir par la contrainte des hausses de productivité tout en freinant la progression des salaires. C’est pourquoi Marx voyait dans l’armée de réserve un moyen permettant de contrecarrer la baisse de la profitabilité qui pouvait à son tour ralentir l’innovation technologique. Voir Marx (1975, p.  225-278). Pour la période récente, voir Mateo Alaluf (1986), Le Temps du labeur, pp. 161-227 et pp. 269-288 ; ainsi que Stephen Bouquin (2006) « Précarité et segmentations sociales comme facteurs de régulation des marchés du travail » (pp. 256-285), Pierre Cours-Salies P. et  Stéphane Le Lay  (2006).

[6] Pour un bilan (auto)-critique de l’approche post-opéraïste sur le travail cognitif, voir Antonella Corsani (2020).

[7]. Au XIXe siècle, les syndicalistes révolutionnaires craignaient les grandes manufactures, véritables bagnes de travail. Au XXe siècle, les grandes usines étaient devenues les bastions d’un syndicalisme certes moins révolutionnaire mais, pendant un certain temps au moins, beaucoup plus effectif aussi.

[8] Ainsi bon nombre de mobilisations sociales, parfois insurrectionnelles comme en Egypte en 2011 ou au Chili en 2019, utilisent massivement les réseaux sociaux. Internet et la téléphonie mobile rendent les informations plus accessibles, ce qui provoque une contre-offensive visant à diffuser de fausses informations, à restreindre la circulation des images ou à surveiller de près les contenus échangés.

[9] Pierre Dubois, «Techniques et division des travailleurs », in Sociologie du travail, 1978, pp. 174-191.

[10] Jean-Marie Vincent, Critique du travail. Le faire et l’agir, Paris, PUF, 1987, p. 65.

[11] Pour une généalogie des conceptualisations variées du micro-travail et du digital labor, voir Fuchs et Sevignani (2013).

[12] . Voir notamment les travaux de Marie-Anne Dujarier (2008).

[13] . Voir Yang, Chan J., Lizhi X. (2015), La machine est ton seigneur et ton maître. (Analyses, enquêtes et témoignages sur la vie des ouvriers des usines chinoises de Foxconn, qui la perdent à fabriquer iPhone, Kindle et autres Playstation pour Amazon, Apple, Google, Microsoft, Nokia, Sony, etc.), Marseille, Agone, 110 p.

[14] Autonomy.work

Sophie Binet (Ugict-CGT): « Le numérique est un champ de bataille que l’action syndicale ne peut ignorer »

Les Mondes du Travail : Quel bilan syndical tirez-vous de la pandémie et du premier confinement ?

Sophie Binet : À l’évidence, le confinement a changé la donne. La situation a été marquée pour la majorité de l’encadrement par le télétravail, même si certains cadres et professions intermédiaires ont dû continuer à travailler sur site, notamment dans la santé, le commerce ou pour celles et ceux qui encadrent des équipes qui continuaient à travailler en présentiel (industrie, bâtiment…). Mais c’est vrai que la situation était assez clivée au niveau des catégories socio-professionnelles, avec une majorité de cols blancs en télétravail et les salarié-e-s d’exécution qui ont continué à travailler ou qui étaient en chômage partiel. Le télétravail, ce n’est pas nouveau, nous avons signé un accord interprofessionnel sur le sujet il y a quinze ans, en 2005. Cependant, il concernait jusque-là une petite minorité de cadres dans les grandes entreprises et il se pratiquait un ou deux jours par semaine, très rarement à temps plein. Depuis la crise sanitaire, le télétravail est devenu le lot commun de beaucoup de salarié-e-s et il concerne d’une façon ou d’une autre la quasi-totalité des cadres et des professions intermédiaires. Il faut néanmoins préciser qu’il a été vécu de façon très ambivalente. Les salarié-e-s étaient soulagé-e-s de ne pas devoir se rendre au travail et de ne pas courir le risque d’être contaminés. Mais en même temps, le télétravail s’est fait en mode dégradé, il a été mis en place sans aucune préparation ni aucun encadrement, et en dehors de tout cadre légal. La grande enquête réalisée par l’Ugict-CGT démontre que le télétravail a accru les inégalités entre les femmes et les hommes. Pour les mères, il s’est accompagné de la prise en charge des enfants étant donné que les écoles et les crèches étaient fermées. Scandaleuse hypocrisie qui invisibilise encore une fois les tâches ménagères: comment penser que l’on peut travailler en gardant ses enfants, Pis ! En leur faisant la classe ?

Le deuxième élément que je retiens de cette période, c’est la question de la responsabilité professionnelle avec ce qu’on a identifié à l’Ugict comme un « ruissellement de responsabilités ». Le patronat ouvre très facilement un grand parapluie pour se prémunir contre toute mise en cause, en se déchargeant au niveau de sa responsabilité sur les collectifs de travail ou les individus. On voit là comment la politique de sécurité sanitaire se traduit, dans la pratique, par une politique de réduction des risques, suivant une logique assurantielle. L’objectif n’est plus de réduire ou de supprimer effectivement le risque, il est de pouvoir prouver que l’on a tout fait pour se protéger d’un point de vue juridique. Pouvoir prouver que tout a été fait compte plus que ce qui est fait réellement. Mettre en place des dispositifs qui réduisent les risques de contamination est moins important que de pouvoir dire « nous, on a tout fait ». Beaucoup se sont retrouvés soit avec un encadrement sans aucune directive, livré à lui-même pour prévenir les risques et protéger les équipes, mais sans moyen de faire ; soit, à l’inverse, avec un encadrement assommé de protocoles de type papier glacé et donc impossible à mettre en place concrètement, et qui vise surtout à sécuriser la responsabilité de l’employeur et à mettre en faute l’encadrement, considéré comme responsable de la non-mise en place des procédures. A travers cette crise se pose aussi la question de la responsabilité des entreprises, ou plutôt de la façon dont elles organisent leur irresponsabilité tant juridique que sociale. Le cas d’école : le déraillement du train à Brétigny-sur-Orge en 2013, pour lequel c’est le cadre de proximité – très jeune, qui arrivait d’ailleurs juste à son poste et n’avait objectivement pas les moyens de le tenir – qui est poursuivi au pénal, pas la SNCF !

Les espaces de travail se numérisent de plus en plus, on constate que la pandémie du Covid a accéléré ce phénomène. Comment appréhendez-vous cette tendance ?

Au niveau de l’Ugict, nous considérons que la question n’est pas de dire « pour ou contre le numérique », mais de partir de l’usage et de la finalité des innovations pour ensuite peser sur celle-ci afin qu’elles ne dégradent pas les conditions de travail. Attention, si les innovations technologiques sont au service des actionnaires, du capital, pour augmenter la rentabilité et les dividendes pour les actionnaires, ce sera une catastrophe pour l’humain. Mais si on met la technologie au service de l’humain, il peut y avoir des choses intéressantes, à commencer par la réduction du temps de travail et l’émancipation des tâches répétitives. Or, pour l’instant, la technologie numérique est instrumentalisée par le Wall street-management, ce qui conduit à faire beaucoup de dégâts… La standardisation des procédures de travail au niveau des professions relationnelles dénature leur activité de travail et devient source de mal-être. Aussi parce que cela change le sens du travail. Dans les domaines du travail social, des soins, de l’accueil ou de la gestion de la clientèle, ces fonctions ou ces métiers sont désormais sous emprise du numérique, avec un contrôle étroit de la performance individuelle, à l’opposé du métier et de l’éthique professionnelle des salarié-e-s. Quand on fait tout entrer dans un formulaire, le travail se déshumanise. Nous pensons au contraire que le progrès technologique doit être mis au service des salarié-e-s, pour améliorer les conditions de travail, le dégager des tâches répétitives, et arriver à un travail vraiment centré sur le relationnel, la créativité, l’innovation. Cessons de chercher à calquer le travail sur la machine, ou à placer le travail humain sous l’autorité de la machine. Je pense au contre-exemple du système de voice picking à Amazon ! Au contraire, les nouvelles possibilités d’automatisation doivent permettre de retrouver un travail réellement humain, dont le contenu sera de nouveau maîtrisé par les salarié-e-s et qui réponde aux besoins des populations, notamment en matière de lien social. Rares sont les métiers qui connaissent cette évolution positive en lien avec le progrès technologique ; pour la plupart des salarié-e-s, celui-ci rime avec dégradation et régression des conditions de travail.

Les axes revendicatifs que vous mettez en avant sur ce plan visent à privilégier les outils technologiques qui permettent une réappropriation du travail, au niveau du procès de travail.

Tout à fait. J’ajouterai à cela qu’en tant qu’Ugict nous syndiquons aussi les ingénieurs et les techniciens qui conçoivent ces outils. L’usage des technologies n’est pas la seule question à mettre sur la table. Il faut aussi interroger leur conception et leur finalité. Dans la Silicon Valley, des développeurs ont refusé de s’engager dans la conception d’outils de reconnaissance faciale, parce qu’ils ne voulaient pas que cela serve à l’administration Trump pour faire le tri et organiser la surveillance de certaines catégories, comme les racisés ou les enfants.

D’accord, mais est-ce qu’on n’est pas toutes et tous en train de reconnaître les images via les réseaux sociaux, ce qui aide quand même à l’instruction des algorithmes, non?

Oui, une partie du travail est transférée sur nous tous et toutes, mais il reste quand même une conception de base à produire, ce qui est le travail des développeurs. Le mouvement des développeurs de la Silicone Valley a eu un impact et leur refus a permis de mener un débat public grâce à cela. Pour nous, c’est significatif car cela montre que des catégories professionnelles disent :« Notre travail, ce n’est pas ça, notre éthique professionnelle s’oppose à ce type de travail. » Ils refusent qu’on leur vole la finalité de leur travail, et on doit permettre aux salariés en général, à commencer par l’encadrement, de maîtriser le sens et la finalité de leur travail. Nous voulons adosser à la responsabilité professionnelle des droits suspensifs de veto, qui permettent de préserver sinon de retrouver la maîtrise du travail. Et tenir un débat démocratique sur quelles technologies, pour quoi faire.

Pour revenir à la question du télétravail, avez-vous des expériences d’opposition ou d’actions par rapport au maintien des collectifs de travail ? On le sait, le télétravail tend à atomiser les collectifs de travail, mais cette atomisation n’est peut-être pas une fatalité…

Nous sommes opposés au télétravail à temps plein. Pendant la période de confinement, l’expérience nous montre qu’à temps plein il est nuisible et qu’il faut un télétravail, au maximum à mi-temps, afin de préserver le collectif de travail. Après, bien sûr que l’engagement des salarié.e.s et de l’encadrement a permis, ici et là, de maintenir le collectif de travail, mais c’est très compliqué, surtout dans la durée. Cela ne marche qu’à court terme et lorsque les membres du collectif de travail se connaissent déjà et entretiennent un rapport de confiance entre eux. Des problèmes très concrets se posent : comment savoir quand mon collègue travaille et qu’il ou elle est disponible ? Comment recréer les temps d’échange informels qui sont indispensables au bon fonctionnement du collectif de travail ?…

Le patronat a clairement changé sa vision et sa politique par rapport au télétravail. Auparavant, il était plutôt réticent car il avait peur de perdre le contrôle sur les salarié-e-s. Mais depuis l’expérience du confinement, le patronat voit un intérêt nouveau au télétravail car les directions d’entreprise peuvent l’utiliser en lien avec les ordonnances Macron, pour le mettre en place de façon light, sans aucune prise en charge des équipements et, au final, sans garantie de respect du temps de travail, sans droit à la déconnexion. Sans aucune garantie de ce qui constitue les fondamentaux du droit du travail, avec un télétravail qui devient une forme de statut d’indépendant et permet d’ubériser de l’intérieur le salariat. Comment ? Tout simplement en s’affranchissant de l’obligation de prise en charge des frais d’équipement ou de lieu de travail, de respect du temps de travail… Tandis que les salarié.e.s font face à une obligation de résultat au lieu de l’obligation de moyens, ce qui caractérise quand même historiquement le salariat. Pourtant, le télétravail n’est rien d’autre qu’une modalité du travail qui doit s’inscrire dans la relation salariale, en respectant le droit du travail. Le patronat s’en sert actuellement pour individualiser encore plus la relation de travail. Il cherche l’optimisation des espaces de travail avec des économies sur les charges d’exploitation : suppression des postes de travail pour économiser les mètres carrés, développement d’open space et des postes mobiles – flex office – qui dépersonnalisent le cadre de travail. Alors qu’on sait que ces espaces de travail sont ultra-pathogènes, non seulement du point de vue de la pandémie, mais aussi et avant tout pour le bien-être au travail. C’est d’ailleurs la fuite en avant vers les open space qui explique en partie la demande de télétravail de la part des salarié.e.s. Une partie du patronat est sur cette ligne offensive et refuse de négocier en disant « on est dans une période d’innovation et de créativité, laissons les choses se décanter et on verra ensuite comment on peut réguler tout ça ».

D’un autre côté, ce que l’on doit prendre en compte en tant que syndicat, c’est la massification de ce type de travail. Jusque-là, dans les entreprises, on n’avait que 5 % du personnel qui connaissait cette modalité ; surtout les cadres. Mais aujourd’hui, le télétravail concerne des effectifs beaucoup plus importants. Et on a des salarié-e-s qui souhaitent eux aussi pouvoir continuer à télétravailler partiellement. Attention, pas dans n’importe quelle condition –  c’est le slogan de notre campagne – et donc les conditions, c’est d’abord un vrai volontariat, avec un cadre collectif clair sur le télétravail et son organisation. C’est ensuite une durée limitée, deux ou trois jours par semaine au maximum car les salarié.e.s sont demandeurs d’une dynamique d’équipe. Le confinement n’a pas seulement rendu visible le travail invisible, il a également fait apparaître des aspects « invisibles » du travail, l’importance des échanges informels… Par mail, ça ne fonctionne pas, ou en tout cas pas de la même manière ; il faut donc préserver les échanges informels afin de permettre aux équipes de bien fonctionner car la qualité du travail commun dépend de ces échanges là aussi. On doit donc agir sur les conditions de travail à la fois en présentiel et en distantiel. Dans notre enquête, les salarié-e-s expriment le souhait de pouvoir télétravailler. Ils nous disent aussi pourquoi : « je ne peux pas me concentrer sur mon lieu de travail…». En effet, un cadre est interrompu en moyenne toutes les trois minutes. Ce sont les chiffres de l’Apec, alors que normalement le cadre est supposé avoir plus d’autonomie sur son temps de travail. Il y a ceux qui disent : « je souhaite télétravailler parce que l’open space est invivable » ou « parce qu’on m’a imposé des changements qui font que je me sens mal sur mon lieu de travail… ». Pour d’autres, c’est plutôt pour gagner du temps de transport – ce qui est plus que légitime. Mais globalement, beaucoup souhaitent retrouver de l’autonomie dans le contenu de leur travail et dans l’organisation de leur activité de travail. Cela montre que la volonté de télétravailler est également le produit des changements en cours sur le lieu de travail. Depuis plusieurs décennies, on fait face à une standardisation du travail intellectuel, à un mouvement de rationalisation et on a donc les mêmes réactions que ce qu’on a connu dans le monde ouvrier face au taylorisme.

L’aspiration au télétravail est également le produit de cela, du type « je veux retrouver une autonomie »… Il faut prendre en compte les aspirations des salarié-e-s, mais aussi pour répondre à la dégradation des conditions de travail et au mouvement de rationalisation et de standardisation que touchent désormais les fonctions d’encadrement et les activités de recherche, de conception en présentiel. Le télétravail doit donc amener à interroger les conditions de travail en présentiel : l’organisation des lieux de travail, mais aussi l’absence d’autonomie, le reporting, l’exigence de travail en flux tendu et d’immédiateté… Pendant le confinement, l’investissement et la débrouillardise des salarié-e-s ont permis de garantir la continuité de l’activité dans des conditions exceptionnelles, ils et elles ont démontré leurs capacités d’adaptation, d’autonomie, de créativité aussi. Le retour à la normale en présentiel, enfermé dans un travail d’exécutant malgré la qualification et les responsabilités peut donc être très mal vécu !

Les résultats de votre enquête publiés au mois de juin laissent apparaître une situation fortement dégradée. En même temps, vous mettez la barre très haut en termes de revendications. Entre les deux, il y a comme un hiatus. Dit autrement : comment inverser la tendance et changer le rapport de force ? 

À cette question, il est difficile de répondre dans l’immédiat. Personne n’a connu une rentrée comme celle-là et personne n’est en mesure de dire ce qui va se passer dans trois semaines. Ni au niveau de la pandémie, ni sur le plan économique et social. On a connu de grandes mobilisations ces dernières années, ce n’est pas la volonté de se battre qui manque. La possibilité d’obtenir des avancées est fonction de la situation politique aussi. Sur le terrain économique et social, le chômage va augmenter et un grand nombre d’entreprises vont restructurer leur activité et vouloir réduire les effectifs. Les autres vont en profiter avec l’argument du chantage à l’emploi, en utilisant les outils juridiques des lois et des ordonnances travail de 2016 et de 2017 pour faire baisser les salaires et démanteler les garanties collectives. On ne pourra pas s’y opposer de manière isolée. Pour bon nombre de salarié-e-s, les incertitudes sont nombreuses, au niveau individuel et collectif, ce qui n’invite pas directement à s’engager dans des actions collectives. Ça complique la donne. Donc, la leçon numéro un est qu’il faut garder les yeux et les oreilles grandes ouvertes et qu’il faut rester très attentifs et réactifs. La situation française et internationale montre qu’il existe une vaste colère dans la société, notamment sur la façon dont la crise sanitaire a été gérée. L’affaire des masques n’est qu’un exemple de l’incurie. La crise sanitaire montre un déficit d’anticipation et d’investissement dans les équipements publics sanitaires, c’est devenu évident aux yeux de larges secteurs de la population. Ensuite, le confinement a permis aux salarié-e-s, et notamment à l’encadrement, de prendre du recul. La mise en avant des métiers essentiels a poussé les autres à s’interroger sur le sens de leur travail. Il y a une aspiration très forte chez les cadres et les professions intermédiaires à vivre et à travailler autrement. Il y a aussi une lucidité et une colère qui peuvent se transformer en combativité. On l’a vu avec la mobilisation des salarié-e-s de la santé en juin, on l’a vu dans les mobilisations contre le racisme et le sexisme, en juin-juillet, avec beaucoup de jeunes. On constate la même chose au niveau international. Je suis frappée de voir le nombre de mobilisations dans toute une série de pays (Biélorussie, Liban, Thaïlande, Algérie…) et qui concernent souvent à la fois les questions de justice sociale et de démocratie. Malgré la crise sanitaire, la situation n’est pas verrouillée, et on peut basculer dans des mobilisations sociales importantes. Il ne faut donc ni désespérer ni baisser la garde au prétexte qu’« avec la crise on ne pourrait rien faire ». Non, pas du tout, il faut être vigilants et engagés dans les mobilisations, en partant du concret et des questions qui mobilisent les salarié-e-s. Après, il y a des difficultés qu’il ne faut pas ignorer, notamment sur comment on peut toucher la grande masse des salarié-e-s, qui sont ultra-individualisé-e-s et ne sont même pas sur leur lieu de travail. Cela interroge évidemment le syndicalisme et ses modes d’action et d’organisation. On doit investir pleinement les outils numériques et devenir une organisation capable de se mobiliser de cette manière-là. Personnellement, je ne suis pas trop fan du discours « c’était mieux avant » ou encore « de toute manière, le numérique est catastrophique »… Comme nous le disons à la CGT, il n’y a pas de déterminisme technologique, les technologies, et notamment les outils numériques, sont ce que nous en faisons, et les exemples de détournement d’outils pensés à des fins commerciales en leviers démocratiques sont légion. Non, ce qu’on a observé pendant le confinement – et c’est intéressant –, c’est la démultiplication de pratiques démocratiques nouvelles, avec par exemple des collectifs qui sont passés sur des serveurs de messagerie instantanée, qui permettent d’obtenir un échange d’information beaucoup plus horizontal et une prise de décision après une consultation bien plus large, des réunions organisées en visio, ce qui a permis à des salarié-e-s, femmes surtout, d’y participer plus facilement, sans devoir se déplacer. Donc, les débats et le fonctionnement d’une organisation syndicale peuvent aussi bénéficier d’un usage partagé des outils numériques. A condition de les appréhender comme des compléments aux outils traditionnels ; pas en substitution car, là aussi, le relationnel et l’informel sont indispensables.

Est-ce que le numérique a permis de renouveler les réseaux militants ?

Absolument, quand on les utilise intelligemment, ces outils peuvent renforcer notre action. Ça ne sert à rien d’être dans le discours caricatural ou binaire qui s’oppose à ces technologies. Ces outils peuvent aussi nourrir la démocratie syndicale, ce qui peut élargir notre base car on va y intégrer des salarié-e-s que l’on n’aurait pas touché-e-s ni sollicité-e-s autrement.

Qu’est-ce que vous retenez de cette crise à un niveau plus général ?

 Comme celle de 2008, cette crise nous enseigne des choses sur la façon dont la société fonctionne et ce qui est problématique. En 2008, la crise a révélé une contradiction profonde de nos sociétés capitalistes entre la financiarisation et l’économie réelle. La financiarisation de l’économie a de fait conduit à mettre l’économie en panne, et permis de montrer à nouveau que le capitalisme engendre ses propres crises. Là, avec la pandémie et la crise économique qui a suivi, on voit apparaître une contradiction entre la stratégie de division internationale du travail avec la mise en concurrence des systèmes de protection sociale et de droits sociaux, et l’absence de maîtrise des chaînes d’approvisionnement dans un contexte de crise internationale. Avec la pandémie, on a vu apparaître le débat sur la souveraineté industrielle via la question des masques, mais cela va bien au-delà. Le capital est lui-même en difficulté sur ses chaînes d’approvisionnement. Beaucoup d’entreprises manquent de pièces et de composants, et n’ont aucune visibilité sur l’organisation de la chaîne de production pour les mois à venir. Dans les supermarchés, on voit aussi certains rayons vides parce que les chaînes sont rompues ou désorganisées. Pour nous, syndicalement, c’est intéressant car on peut mieux argumenter en faveur d’une maîtrise démocratique de l’économie. On peut plaider en faveur d’une relocalisation de la production, en privilégiant les circuits courts, et d’un développement économique respectant des normes sociales et écologiques. La crise permet de se battre pour un développement économique au service des besoins sociaux. Elle permet de mettre à l’index une production centrée sur la compétitivité-coûts qui ne fait que dégager des valeurs pour les actionnaires. Une production hyperspécialisée pour le marché mondial n’est pas le bon choix et cette pandémie le démontre. Mais attention, le capital a déjà sa réponse : alors que nous parlons relocalisation, il nous répond (avec le gouvernement…) diversification, pour diversifier les sources d’approvisionnement et ne plus dépendre d’un seul pays (la Chine) sans relocaliser la production. Cela ne répond absolument pas aux questions environnementales et sociales !

Est-ce que le plan de relance n’offre pas ici la possibilité de mener une bataille plus offensive sur les priorités de cette relance ? Quelle production, quelle activité productive, quelles priorités sociales ? Finalement, sortir 100 milliards n’est pas rien, reste à savoir à quoi ils vont servir…

Oui, tout à fait, le plan de relance du gouvernement est un énorme gâchis d’argent public, avec 100 milliards qui, en gros, permettent de soutenir le monde d’avant, alors que l’urgence est ailleurs, de répondre au défi climatique notamment. La question centrale est – comme pour le CICE de Hollande ou le crédit impôt recherche – celle de la conditionnalité des aides publiques. Nokia, qui supprime un tiers de ses effectifs d’ingénieur.e.s et de chercheur.e.s en France a bénéficié chaque année de 70 millions de crédit impôt recherche, qui ont pour moitié été absorbés par une filiale sans salarié-e-s domiciliée aux Pays-Bas… Au lieu de tirer des leçons de ces stratégies malheureusement classiques d’optimisation fiscale, on continue de plus belle… Avec le risque, comme en 2008, que ce soit ensuite le contribuable qui soit sommé d’éponger les dettes à travers des plans d’austérité et des augmentations d’impôts. Cependant, la crise a permis de remettre sur le devant de la scène certains concepts présentés comme éculés : remettre sur pied le Commissariat au Plan n’est pas anodin. L’idée d’une planification refait surface… Reste à savoir, en effet, comment planifier et quelles finalités celle-ci doit poursuivre. Nous étions souvent moqués comme des nostalgiques du modèle soviétique mais là, on voit qu’on n’avait pas totalement tort, que le marché – certainement pas à lui seul – ne permet pas de répondre aux défis de notre époque, surtout en période de crise. Sur les masques, on doit continuer à enfoncer le clou : pourquoi cette faillite de l’État, pourquoi cette incurie invraisemblable ? Le patronat tente d’inverser les termes du débat avec, comme discours : « Forcément, l’État a dysfonctionné et heureusement que LVMH était là pour répondre de façon adéquate »… Or, l’analyse correcte, c’est que la faillite de l’État résulte justement de la décision d’avoir démantelé l’État-stratège, capable de jouer un rôle directement. En l’occurrence, on a démantelé l’agence de prévention des risques sanitaires, l’Eprus, on a détruit le stock stratégique de masques, dans la droite doctrine de la limitation maximale du capital immobilisé, on a démantelé du même coup les filières d’approvisionnement nationales et la dernière usine de masques en France a fermé il y a quelques années… Tout cela en faisant « ruisseler » la responsabilité et en prévoyant que c’était aux hôpitaux d’assurer leurs propres stocks, ce qui, dans un contexte d’austérité et de chasse généralisée au « gaspillage » était tout simplement impossible. Comment peut-on imaginer que les hôpitaux avaient la possibilité de constituer des stocks de masques alors qu’ils sont allés jusqu’à limiter les portions alimentaires des malades pour faire des économies ? Il faut continuer à dire cela, sinon le capital va, conformément à la stratégie du choc, tenter d’inverser la situation et d’utiliser la crise sanitaire pour mettre en cause l’État.

Est-ce que cette crise, avec toutes les dimensions qu’elle contient, ne remet pas sur le devant la question des temps sociaux avec en particulier la réduction du temps de travail et la semaine de quatre jours ?

Oui, j’en suis convaincue. Il faut relancer la bataille pour la réduction du temps de travail. D’abord parce qu’il s’agit d’une question d’urgence sociale. On le sait, on a les chiffres, l’augmentation du temps de travail, comme le veut le patronat, cela supprime des emplois. On a les bilans de la déréglementation des heures supplémentaires réalisées sous Sarkozy 2007-2012 : elles ont coûté entre 50 000 et 100 000 emplois, selon les études de l’OFCE ; et de l’autre côté, on sait que les 35heures, malgré leurs défauts – car c’était loin d’être les 35 heures de la CGT –, c’était un compromis avec le patronat, avec beaucoup de flexibilité et un gel des salaires. Mais voilà, malgré tout cela, on sait que ces 35 heures ont conduit à la création de 350 000 emplois directs (selon le rapport d’une mission parlementaire présidée par l’UDI). On peut donc conclure que cette mesure d’urgence sociale et économique est toujours d’une importance essentielle. D’autant qu’on ne peut pas dire, comme le font les directions d’entreprise : « I faut réduire la voilure, réduire les effectifs et licencier » et puis de l’autre vouloir obtenir la suppression de jours de congé ou la suppression de pauses pendant le temps de travail, bref, allonger le temps de travail et faire travailler plus. Après, le vrai sujet, en France comme ailleurs, c’est la très grande inégalité au niveau des temps sociaux. Une partie du salariat se voit obligée de travailler trop, notamment les cadres. Je rappelle que la durée moyenne de travail pour celles et ceux qui sont employés à plein temps, c’est 39 h 30. On est déjà loin des 35h … Mais pour les cadres, la durée moyenne de travail est de 44 h 30. Avec une semaine de 44 h 30, il est impossible d’avoir une vie familiale et sociale ! Réduire la semaine à 4 jours et 32 heures sans perte de salaire, c’est la seule voie pour permettre un partage des tâches domestiques ou éducatives. C’est aussi la seule solution pour réduire le nombre de temps partiels qui enferment souvent les femmes dans la dépendance ou la pauvreté, tout en se donnant les moyens de préserver des postes de travail, de maintenir les effectifs et de garder un savoir-faire dans l’entreprise. Bien sûr, il faudra aussi développer la formation, et surtout améliorer les conditions de travail afin que la réduction du temps de travail n’épuise pas les personnes, mais s’accompagne d’une préservation de leur santé. De toute manière, le temps de travail qu’il faut produire à l’échelle de la société va être réduit, à cause de la crise économique. Ensuite, il va se réduire aussi avec l’automatisation et le progrès technologique. La seule question est donc de savoir comment on organise cela, collectivement, afin que les gains de productivité financent un progrès social : une RTT collective sans perte de salaire à travers une baisse de la durée légale de travail, ou une réduction du temps de travail subie par la société, avec une montée du chômage, tout en imposant à ceux qui travaillent des conditions nuisibles pour leur bien-être et leur santé. Il faudra trancher, c’est évident. Posons la question : à quoi doit servir le progrès technologique ? Pour nous, il doit servir à la société, il doit permettre un progrès social, ce qui implique une réduction collective du temps de travail et un juste partage du temps consacré au travail, quel qu’il soit. Un chiffre pour finir : le gouvernement nous indique que les 100 milliards du plan de relance permettront de créer 160 000 emplois, soit 600 000 € par emploi ! Rappelons qu’un poste de fonctionnaire revient en moyenne à 30 000 €/an… Les 35 heures ont coûté aux finances publiques 4,5 milliards d’euros dont 2 milliards pour les exonérations de cotisations et 2,5 milliards pour les embauches dans la fonction publique, soit 350 000 emplois directs créés. Le calcul est vite fait…

Propos recueillis par Stephen Bouquin (28 septembre – 10 octobre 2020)

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Pour aller plus loin :

Enquête Ugict sur le travail confiné

http://www.ugict.cgt.fr/ugict/presse/rapport-enquete-trepid

Campagne Ugict sur le télétravail

https://ugict.cgt.fr/teletravail/

https://enqueteteletravail.fr/

 

 

 

 

Appel à articles – « Travail et conditions de vie en temps de pandémie »

Appel à articles pour l’édition n°26 des Mondes du Travail (parution mai 2021)

La pandémie du Covid-19 représente un évènement social majeur, un « fait social total ». En moins d’un an, près de 50 millions de personnes ont été contaminées et plus de 1,1 millions en sont déjà décédées. Les personnes guéries éprouvent parfois des séquelles prolongées. La plupart des pays sont confrontés à une deuxième vague plus forte que la première. Certains pays ont réussi à contenir les contaminations. Aucune certitude n’existe quant au développement d’un vaccin efficace. Il semble même que la situation pourrait perdurer pendant un certain temps, d’autant que d’autres virus, selon un rapport de l’ONU, pourraient franchir la barrière des espèces, faisant planer une menace sanitaire structurelle sur les sociétés humaines.

L’épreuve que constitue la pandémie du Covid-19 questionne autant l’ordre symbolique des activités de travail, les relations et les hiérarchisations sociales que la place et les finalités des activités productives et reproductives. Le dossier du numéro 26 a pour objectif de rassembler des analyses qui permettent d’en mesurer l’impact, tant au niveau du travail productif et reproductif, qu’à celui des pratiques managériales et institutionnelles, ou des représentations et du vécu des personnes. Les contributions internationales et comparatives sont particulièrement appréciées pour appréhender les singularités et les récurrences de ce que nous vivons actuellement.

Une grande variété de questions a émergé au cours de cette crise qui est loin d’être terminée. Nous les mentionnons à titre informatif.

  • Le Sars-Cov-2 appelé également Covid-19 est un pathogène nouveau, issu d’une zoonose et dont la propagation se fait par aérosols, par surface et micro-gouttelettes. Que savons-nous sur le rôle des lieux de travail dans sa diffusion ? Comment les acteurs de l’entreprise se sont-ils saisis de l’enjeu sanitaire ? Comment peut-on interpréter les conflits de travail autour des mesures sanitaires pour contenir et restreindre sa propagation, tant dans le secteur public que privé, l’administration ou encore les entreprises du secteur concurrentiel ?
  • Au cours de la première vague de contaminations, la propagation de la pandémie du Covid-19 a provoqué des réponses variables selon les pays, tant en termes de modes de confinement que sur le plan de l’identification des activités « essentielles ». Dans certains pays, une liste de ces activités a été établie tandis que dans d’autres, le périmètre « essentiel » des activités n’a jamais été défini. Un certain nombre d’entreprises, surtout dans l’industrie, ont été mises à l’arrêt, parfois après des actions de mobilisation et de grève. Quelle a été l’action des pouvoirs publics et quel rôle ont joué les acteurs sociaux ? Comment et à partir de quel moment, suite à des décisions sanitaires ou des actions collectives, les entreprises se sont-elles arrêtées de fonctionner ? 
  • Quel est le rôle joué par les services d’inspection du travail dans l’application des protocoles sanitaire ? Dans quelle mesure les acteurs sociaux ont engagé, conjointement ou non, leurs organisations dans l’application des mesures de prévention ou de veille sanitaire ?
  • Comment la période de chômage économique partiel a-t-elle été vécue par les premiers concernés ? Comment les travailleurs « essentiel s » comme les éboueurs, les chauffeurs-livreurs, les employé-e-s de commerce, les personnels de soin (infirmières et médecins, aides soignantes, personnels des Ephad, aides à domicile), travailleurs de l’agriculture et de la distribution alimentaire ont-ils été mobilisés et ont-ils vécu cette période ? Comment les catégories moins protégées ou sans aucune protection sociale (secteur informel, travail sexuel, dealers, travailleurs saisonniers, du BTP…) ont fait face aux difficultés rencontrées ?
  • Les travailleurs/ses d’exécution ont gagné en visibilité mais de façon hiérarchisée selon les professions et les qualifications. En quoi est-ce le signe d’une différence de reconnaissance sociale accordée à certaines activités et par-là même aux groupes sociaux ?
  • Dès la première période de confinement, la majorité des cols blancs ont dû poursuivre leur activité en télétravail. Comment a été vécu ce télétravail contraint dans un contexte de fermeture des établissements scolaires (type de disponibilité temporelle par exemple) ? Comment se déroule le contrôle du travail à distance ? Comment des technologies ont été mobilisées dans ce sens ? Quelle prolongation depuis cette première période ? Est-ce que le développement du télétravail est désormais une réalité négociée ? Plus largement comment le télétravail agit-il sur le consentement au travail en temps de pandémie ?
  • Le monde enseignant s’est retrouvé face à l’injonction d’assurer la continuité pédagogique via des cours en « distanciel ». Comment cette obligation a-t-elle été vécue par les enseignants et les élèves ou étudiants ; avec quels effets et quelle efficacité pédagogique ?
  • Comment se sont positionnés les acteurs sociaux (syndicats de salariés et patronaux) face à la gestion publique de la crise sanitaire ? Quelles formes ont pris les mobilisations collectives, syndicales (blocages, enquête sur les conditions de travail, mobilisations numériques…) ?
  • Quelles sont les formes de solidarité et d’entraide qu’on a vu émerger, à l’échelle des communes ou des quartiers, et comment s’inscrivent-elles à moyen et long termes ?
  • Le confinement fut aussi un grand enfermement pour certain.e.s. Et parfois même un « double enfermement » (prisons). Comment cela a-t-il été vécu dans une perspective intersectionnelle incluant les rapports sociaux de sexe, de génération, de racialisation et de classe ?
  • Que doit devenir le travail dans le monde d’après ? La pandémie a provoqué un choc brutal au niveau des consciences et des représentations, tandis qu’une une série d’appels et tribunes ont été publiés pour penser et déjà engager « le monde d’après ». Quels axes revendicatifs peut-on identifier avec quels leviers d’action ?
  • Les éclairages historiques permettent de mieux comprendre le présent. Quelles leçons retenir des pandémies précédentes, tant au niveau de la gouvernance publique qu’au niveau de l’impact sur le travail et des conditions de vie ?
  • La pandémie a modifié la donne tout en laissant les choses en place. Faut-il s’attendre à une stratégie de choc avec une nouvelle vague de mesures visant à flexibiliser le travail et l’emploi, mais aussi l’élaboration de grandes réformes ?  S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions d’une crise insolite, il n’est pas inutile d’intégrer les dimensions sociétales et idéologiques dans la réflexion sur « le travail en temps de pandémie », en faisant notre l’hypothèse que la pandémie du Covid-19 fait partie intégrante de la crise écologique.

Coordination scientifique du dossier : Rachid Bouchareb (CRESPA GTM – Paris 8), Nicola Cianferoni (Université de Genève), Cyrine Gardes (CERTOP), Nathalie Frigul (UPJV), Marc Loriol (IDHES) 

Format des papiers : taille maximale 40 000 signes espaces et notes en bas de page inclus.

Les textes sont à transmettre à l’adresse : info@lesmondesdutravail.net

Spécifications techniques www.lesmondesdutravail.net

Calendrier : date limite pour la réception des papiers : 31 janvier 2021 • évaluations février 2021 • retours et navette mars 2021 • bouclage 30 mars 2021 • parution 30 avril 2021.

 

Hors série – Mobilisations et grèves (février 2020)

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Hors série – février 2020 – Mobilisations et grèves – 146 p.

EDITORIAL / Eloge de la grève (collectif)

ENTRETIENS / « A notre échelle on a fait l’expérience qu’on pouvait déplacer des montagnes !» / Anasse Kazib et Karim Rouijel (Coordination RATP-SNCF) // « Les syndicats ont décidé de ne pas retomber dans le piège de 2010 et de 2016 » / Emmanuel Lépine (CGT Chimie) // « On va rester mobilisés et continuer les actions » / Nicolas Pérrin (CGT FNME) // « La bataille de l’opinion publique a été gagnée grâce aux grévistes » / Patrick Brody // « Le monde enseignant se révolte » / Marion Rousselin // 

DOSSIER / La réforme des retraites : critiques et alternatives
Retraites, écologie : l’obligation, source de liberté et de bonheur/ Gilles Raveaud //
La pénibilité est une question centrale dans le débat sur les retraites / Marc Loriol //
Remplacer le droit au salaire par un binôme RUA-CPA / Nicolas Castel & Bernard Friot //
Pour une retraite à 2 000 euros pour tous ! / Anne Debrégeas //

ENQUETES
Créativité de la lutte : l’Assemblée Générale interpro Montreuil Bagnolet / Delphine Corteel & des membres de l’AG // Raisons d’agir (ou pas) / Stephen Bouquin //

BILAN ET PERSPECTIVES
Une mobilisation puissante loin d’être terminée / Verveine Angeli // Ouvrir une discussion / Hugo Melchior // Pourquoi la grève ne s’est pas généralisée ? / Marie-Hélène Dangeville // Quelles leçons tirer d’un revers ? / Alain Bihr // Une mobilisation, la comprendre et l’aider à gagner / Pierre Cours-Salies //

CHAMP LIBRE
Ni « réformistes », ni « contestataires » : comment penser le rôle des syndicats dans une mobilisation interprofessionnelle ? / Juan Sebastian Carbonell // L’armée de réserve intellectuelle et le travail gratuit : précaires de toutes les universités, unissez-vous ! / Christophe Baticle // Violences policières, violences de policiers ou répression du mouvement social? / Marc Loriol //

n° 23 – Les utopies au travail (novembre 2019)

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Grand entretien avec Michel Lallemant et Michèle Riot-Sarcey / Entre réel de l’utopie et utopie concrète…

Dossier – Les utopies au travail  / coordination Séverin Muller // Pensées et réalisations utopiques / Séverin Muller // Autogestion et réalisation utopiques / Camille Boulier // Concilier travail et émancipation: “l’utopie réelle” des SCOP / Ada Reicchart // Mutualiser le travail: une utopie concrète? Le cas de Coopaname / Justine Ballon, Catherine Bodet, Marie-Christine Bureau, Antonella Corsani, Noémie de Grenier, Anne-Laure Degris // Alterconso ou le difficile travail de concrétisation d’une utopie / Samuel Hévin, Clément Ruffier // Une utopie en travail. Itinéraire d’une association féministe en cogestion / Auréline Cardoso // Les entreprises récupérées en Argentine. Bilan de vingt années d’autogestion ouvrière / Juan Pablo Hudson // La notion de travail à l’épreuve du terrestre. Dimensions utopiques de l’activité potagère / David Jamar, Arthur Klitsch, Jean Vandewattyne

D’ICI ET D’AILLEURS

Le retour à la terre de quatre intellectuels dans le Japon d’avant-guerre. Le travail et la nature redécouverts à travers ses crises / Kenjiro Maramatsu

NOTES DE LECTURE

David Graeber / Bullshit jobs // par Marc Loriol /// Lise Bernard / La précarité en col blanc. Une enquête sur les agents immobiliers // par Françoise Piotet /// Maxime Giujoux (coord.) / Bourdieu et le travail // par Rachid Bouchareb /// Maxime Quijoux (coord.) /Adieux au patronat. Lutte est gestion ouvrières dans une usine reprise en coopérative // par Pascal Depoorter // Rebecca Solnit / A Paradise Built in Hell. The Extraordinary Communities that Arise in Disaster /// par Stephen Bouquin.

n° 22 – Ecrire à propos du travail (janvier 2019)






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sommaire n° 22

GRAND ENTRETIEN « ÉCRIRE SUR LE MONDE DU TRAVAIL, C’EST SE METTRE DANS UN GHETTO…»

Entretien avec Gérard Mordillat / par Marc Loriol

DOSSIER  « Écrire à propos du travail» / coordination Marc Loriol

Introduction: le réel à l’épreuve de l’écriture / Marc Loriol // La double expérience du travail et de l’écriture. les journaux d’ouvriers et ouvrières depuis les années 1950 / Eliane Leport // D’un quai à l’autre. Florence Aubenas et Georges Orwell: deux manières d’écrire à propos du travail / Stephen Bouquin // La représentation du travail dans le champ littéraire et critique contemporain / Corinne Grenouillet // Gérer collectivement la honte sociale. Quand les romanciers évoquent le travail dans les abattoirs / Marc Loriol //

Extraits Mémoires d’un enfant du Rail (Henri Vincenort), Gagner sa vie (Fabienne Swiatly), Mauvais coûts (Jacky Schwartzmann), La condition ouvrière (Somine Weil), Génération précaire (Abdel Mabrouiki)

Trois textes de Didier Daeninckx. Présentation de Roland Pfefferkorn

D’ICI ET D’AILLEURS

Sortir du dolorisme. le mondes des fileuses de soie japonaises de l’entre-deux guerres / Sandra Schaal

CONTRECHAMP

Un retour en force de la question sociale. Quelques notes à propos de la révolte en gilet jaune / Stephen Bouquin

NOTES DES LECTURE

Collectif du 9 août / Quand ils ont fermé l’usine. Lutter contre la délocalisation dans une économie globalisée // par Françoise Piotet /// Patrick Flichy / Les nouvelles frontières du travail à l’ère numérique // par Marc Loriol /// Aurélie Damamme, Héléna Hirata, Pascale Molinier (coord.) / Le travail entre public, privé et intime. Comparaison et enjeux internationaux du care // par Corinne Reynette /// Yasmine Siblot, Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet, Nicolas Renahy // Sociologie des classes populaires contemporaines // par Rachid Bouchareb ///

n° 21 – Les discriminations racistes au travail (mai 2018)






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sommaire n° 21

GRAND ENTRETIEN

« EN AMÉRIQUE LATINE, LES INÉGALITÉS ONT DES COULEURS DE PEAU » – Entretien avec Fernando Urrea-Giraldo / Par José-Angel Calderon

DOSSIER  « Les discriminations racistes au travail» / Coordination Rachid Bouchareb

Des discriminations racistes au travail / Rachid Bouchareb // Le racisme au quotidien: comprendre le vécu des soignante-e-s dans le secteur privé des soins aux personnes âgées / Nina Sahraoui // Des femmes noires dans les institutions de soin. Quel récits des frontières ethnico-raciales? Marine Haddad // L’épreuve du racisme dans le travail : le “faire avec” ou “faire face”? / Grégory Giraudo-Beaujeu // Les militants syndicaux face aux discriminations liées à l’origine: des logiques individuelles plurielles au sein d’une dynamique collective en quête de sens / Alexandra Poli et Louis Braverman // Conversion d’une chercheuse par expérience d’enquête. Pour une approche inductive des discriminations à l’embauche selon l’apparence physique / Oumaya Hidri Neys et Atelier à l’embauche selon l’apparence physique // Intersectionnalité: controverse militantes et théoriques dans l’espace français / Irène Pereira //

VARIA

Enquêter sur un groupe professionnel sans décrire son travail? Des ouvriers de la finance saisis par les lieux de leur activité / Edwige Rémy

NOTES DE LECTURE

Camille Dupuy / Journalistes, des salariés comme les autres? // Par Françoise Piotet/// Pierre Roche / La Puissance d’agir au travail// Par Séverin Muller /// Patrick Cingolani / Révolutions précaires. Essai sur l’avenir de l’émancipation // Par Séverin Muller /// Guillaume Tiffon, Frédéric Moatty, Dominique Glaymann, Jean-Pierre Durand / Le piège de l’employabilité. Critique d’une notion au regard de ses usages sociaux // Par Rachid Bouchareb ///

n°20 – Syndicalisme international (octobre 2017)






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sommaire n°20

« SYNDICALISME INTERNATIONAL EN EUROPE »

Grand entretien avec Eduardo Chagas et Felipe Van Keirsbilck

DOSSIER « SYNDICALISME INTERNATIONAL »

Introduction : décrypter les difficultés du syndicalisme international / Kevin Crochemore, Anne Dufresne, Corinne Gobin // Un syndicaliste à la tête d’OIT / Cédric Leterme // La Confédération Syndicale Internationale : difficultés et enjeux / Rebecca Grumbell-McCormick // Fédérations syndicales internationales au prisme des recompositions internes et des répertoires d’action / Kevin Crochemore // Les accords cadres internationaux : négociation, contenu et effectivité / Jocelyne Barreau et Angélique Ngaha // La CES face à une Europe austéritaire / Corine Gobin et Roland Erne // La fédération de branche européenne : partenaire dans le dialogue social et quête d’autonomie dans la coordination salariale / Anne Dufresne // L’action syndicale d’entreprise face aux restructurations transnationales / Bruno Bauraind

D’ICI ET D’AILLEURS

Émanciper l’internationalisme ouvrier / Peter Waterman

NOTES DE LECTURE

Olivier Frasset /La santé des artisans. De l’acharnement au travail au souci de soi / par Marc Loriol // Claude Didry / « L’institution du travail. Droit et salariat dans l’histoire» par Patrick Humblet // Cristina Nizzoli / C’est du propre. Syndicalisme et travailleurs du ‘bas de l’échelle’ // par Stephen Bouquin // Emmanuel Ravalet, S. Vincent-Geslin, Vincent Kaufmann, Gil Viry, Yann Dubois / Grandes réalités liées au travail. Perspectives européennes /par Lucie Goussard // Christian Lequesne / Ethnographie du Quai d’Orsay. Les pratiques des diplomates français / par Marc Loriol.

n° 19 – Travail et handicap (mars 2017)






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SOMMAIRE  n° 19. (126p.)

DOSSIER  « TRAVAIL ET HANDICAP »

INTRODUCTION Travail et handicap: je t’aime moi non plus ? Alain Blanc

GRAND ENTRETIEN avec Henri-Jacques Stiker. Propos recueillis par Alain Blanc

La main-d’œuvre handicapée, une valeur d’exposition à la hausse / Alain Blanc // Le secteur protégé aux prises avec les mutations contemporaines / Bernard Lucas // Repenser handicap, déficience, travail et protection sociale / Colin Barnes // Passage à l’âge adulte, handicap et transitions vers l’emploi / Serge Ebershold // Derrière l’esprit, le corps: le métier d’enseignant en contexte d’inclusion scolaire / Joël Zaffran //

CONTRECHAMP

Le jeu comme amusement et comme contestation / Marc Loriol

NOTES DE LECTURE

Catherine J. Turco / The Conversational firm. Rethinking Burreaucracy in the Age of Social Media // par Françoise Piotet

Marlène Benquet / Encaisser! Enquête en immersion dans la grande distribution // par Rachid Bouchareb

Christophe Dejours / Le choix // par Germain Bonnel

Milena Doytscheva / Politiques de la diversité. Sociologie des discriminations et des politiques anti-discriminatoires au travail // par Rachid Bouchareb 

Guillaume Carnino / L’invention de la science. La Nouvelle religion de l’âge industriel // par Mélanie Guyonvarch’

n°18 – Travailleurs de la mer (septembre 2016)






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SOMMAIRE n° 18

GRAND ENTRETIEN /  Robert Karasek « La santé et le bien-être n’ont pas de prix » Entretien réalisé et traduit par Marc Loriol

DOSSIER « TRAVAILLEURS DE LA MER »

Introduction par Jorge Munoz // Marins pêcheurs à la pêche artisanale ou le resserrement d’une communauté de métiers? esquisse d’analyse des pratiques de régulation / Hélène Desfontaines et Pierrick Ollivier // Le travail des marins dans la pensée sociologique : la contribution de Norbert Elias /Adèle Bianco // Naviguer et après? Ordres et désordres dans la carrière des officiers de la Marine marchande / Angèle Grövel // Naviguer, fonder une famille : négociations des temps sociaux chez les officières de la marine marchande / Jasmina Stevanovic // Rapport salarial, pénibilité et dangerosité du travail dans le secteur de la pêche artisanale française / Gilles Lazuech // english abstracts / résumés en anglais

D’ICI ET D’AILLEURS / Une résistance collective: la grève de 2015 dans la métallurgie en Turquie // Nial Tekin

NOTES DE LECTURE / Claire Thébault, Jens Thoemmes / L’industrie à la campagne. 50 ans de mémoire ouvrière d’une usine de pâte à papier dans les Pyrénées // par Marc Loriol /// Matthew B. Crawford / Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver // par Françoise Piotet /// Marie-Anne Dujarier / Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail // par Léon Marie-Virginie /// Duarte Rolo / Mentir au travail // par Françoise Piotet