Une tribune libre d’Henri Sterdyniak (Les Économistes Atterrés.)
L’importance donnée depuis 2017 à la question des retraites est surprenante : le système des retraites est pratiquement équilibré, son évolution est contrôlée, des questions comme la dégradation des services publics, la réindustrialisation et la transition écologique sont bien plus cruciales.
Cependant, l’oligarchie financière est persuadée que les prestations de retraites, comme les aides au logement, les prestations chômage ou les minimas sociaux, sont trop coûteuses. Son objectif est de rendre la France plus attractive et compétitive, ce qui suppose de réduire les dépenses publiques pour baisser les impôts sur les entreprises.
Compte tenu de l’évolution démographique (départ à la retraite des baby-boomers, allongement de la durée de vie), le ratio (plus de 62 ans/21-61 ans) augmenterait de 0,490 en 2022 à 0,659 en 2050, soit de 34 % (après avoir augmenté de 44% depuis 2000). Ce qui impliquerait, toutes choses égales par ailleurs, une forte hausse des dépenses de retraites ce que l’oligarchie financière veut éviter, en reportant l’âge de départ à la retraite et en réduisant le montant (le niveau relatif) des retraites. La question primordiale n’est pas celle du déficit, mais du choix social qu’il faut faire entre taux de cotisation, niveau des retraites et âge de départ.
Nous décrirons d’abord la situation du système des retraites, puis son évolution selon le COR, nous analyserons la réforme proposée par le gouvernement, nous verrons ensuite les voies souhaitables d’évolution.
Un état des lieux
Le système de retraite doit assurer que les actifs bénéficient d’un niveau de vie à la retraite équivalent à celui des personnes en activité, cela à partir d’un âge socialement déterminé, permettant de travailler jusqu’à la retraite puis de jouir d’une longue période de retraite en bonne santé. Le système français est relativement satisfaisant. Il permet un départ précoce pour ceux qui ont commencé à travailler jeune, à 62 ans pour les autres. Il assure la parité de niveau de vie entre les actifs et les retraités ; le taux de pauvreté des retraités est nettement plus faible que celui de l’ensemble de la population ; le taux de remplacement est plus élevé pour les bas que pour les hauts salaires.
En 2021, les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB, contre 11,4% en 2000, 14 % en 2015. Leur hausse est stabilisée au prix, nous le verrons, d’une baisse relative des pensions. Les dépenses de retraites en point de PIB sont plus fortes en Italie et en Grèce, équivalentes en Autriche, mais plus basses de 3 points en Allemagne et au Royaume-Uni.
Selon Eurostat, le ratio entre le revenu médian des retraités et celui des moins de 65 ans est proche de 1 en France comme en Italie, Espagne, Grèce, Autriche ; il est plus bas de 12 % au Royaume-Uni, de 15 % en Allemagne, de 20 % en Suède. En France, le ratio est passé de 1,04 en 2014-2018 à 0,95 en 2021, ce qui témoigne d’une nette dégradation au cours de la période récente. Le taux de pauvreté (à 60 % du revenu médian) des plus de 65 ans est particulièrement faible en France, 10,9 %, contre 16,3 % en moyenne dans la zone euro et 19,4 % en Allemagne, mais on observe, là aussi, une dégradation récente puisque ce taux était de 8% en 2018.
Selon l’INSEE, le niveau de vie médian des retraités était égal à celui de l’ensemble de la population en 2021. En fait, il n’était que de 97 % du niveau de vie de la population d’âge actif car les jeunes de 0 à 20 ans ont un niveau de vie inférieur de 10 % à l’ensemble de la population. Le niveau de vie relatif des retraités a subi un net décrochage, de l’ordre de 5 %, de 2017 à 2021, lié à la fois à la hausse de la CSG sur les retraites et à des indexations imparfaites des retraites : la retraite du régime général a ainsi subi une perte du pouvoir d’achat de 8,6 % durant les six dernières années.
Malgré les réformes successives, il n’y a pas eu de décrochage du ratio « pension nette moyenne/salaire net moyen » jusqu’en 2015, ceci grâce à la hausse de l’emploi des femmes (qui leur assure de meilleures retraites qu’à leurs mères). Depuis, ce ratio, qui avait culminé à 65,9 % en 2015, n’était plus que de 61,2 % en 2021. En euros constants, la retraite à la liquidation a atteint un maximum pour la génération 1947 ; elle baisse depuis, surtout pour les hommes.
Le taux plein est atteint à 62 ans pour une personne ayant cotisé sans interruption depuis l’âge de 20 ans, mais à 60 ans pour une personne ayant cotisé depuis 18 ans, à 65 ans pour une personne ayant commencé à cotiser à 23 ans. Cela compense quelque peu la différence d’espérance de vie selon la profession, mais nuit aux jeunes ayant des difficultés à trouver un emploi et aux femmes dont la carrière a connue des interruptions. Les jeunes commençant actuellement à cotiser à 23 ans en moyenne, l’âge du taux plein devrait passer progressivement à 66 ans.
Selon l’OCDE, l’âge moyen de sortie du marché du travail est de 60,9 ans en France, un peu plus haut que la Belgique, l’Espagne, l’Autriche, mais plus bas de 1 an que la zone euro, de 1,3 an que l’Allemagne et le Royaume-Uni, de 2,6 ans du Danemark et de la Finlande, de 4 ans que la Suède. Dans tous les pays où l’âge légal de retraite est de 65 ou 67 ans, des dispositifs permettent des départs plus précoces (préretraite, dispositif carrières longues, pensions d’invalidité sur critères médico-sociaux).
Depuis 2003, le taux d’activité des 55 à 64 ans a augmenté de 22 points, dont 20 points d’emploi et 2 de chômage. Cependant, le taux d’activité des 60-64 ans reste bas en France (38%) comparée à la moyenne de la zone Euro, (50%) ; mais surtout au Royaume-Uni (58%), à l’Allemagne (63%), et aux pays Nordiques (65% au Danemark et aux Pays-Bas, 73% en Suède).
Les personnes de 60 et 61 ans, déjà touchées par le report de l’âge légal à 62 ans, sont pour 38 % en emploi à temps complet, pour 10 % en emploi à temps partiel, pour 3,5 % en cumul emploi-retraite ; 21 % ont réussi à prendre leur retraite, mais 7 % sont au chômage et 21 % sont inactives. 20 % des personnes qui n’ont pas réussi à prendre leur retraite sont dans une situation difficile, sans salaire, ni retraite, ni prestations chômage, surtout parmi les anciens ouvriers ou employés. Il n’y a au mieux, que 50% d’une cohorte qui sont susceptibles de se maintenir en emploi.
Des projections du COR
Les projections du COR sont simples du point de vue macroéconomique. L’emploi suit les évolutions de projection active de l’INSEE, corrigées d’un taux de chômage imposé par le gouvernement jusqu’en 2027 (baissant à 5%), puis décidé par les partenaires sociaux ensuite (4,5%, 7 ou 10% jusqu’en 2070). Plusieurs scénarios sont proposés selon les gains de productivité du travail : 0,7%, 1%, 1,3% ou 1,6% l’an, jusqu’en 2070. La projection (7% de taux de chômage, 1% de gains de productivité) est privilégiée. Le rapport ne contient aucune réflexion sur l’évolution qualitative de l’emploi, ni sur l’impact des contraintes écologiques. Une croissance de la productivité du travail à 1% par an suppose un niveau de vie plus élevé de 64 % en 2070, ce qui est peu crédible.
Le COR prolonge jusqu’en 2070 la législation actuelle. Ainsi, dans le Régime général, les salaires portés aux comptes, les pensions, les minima de pension, le minimum vieillesse évoluent en projection comme les prix. A l’AGIRC-ARRO, la valeur de service du point évolue chaque année comme le salaire moyen moins 1,16 point. De 2022 à 2037, l’indice des traitements de la fonction publique, et donc les retraites à la liquidation, perd 8,3 % en pouvoir d’achat, alors que le pouvoir d’achat dans le privé augmente de 12,7 % ; aucune leçon n’est tirée de la dégradation de l’attractivité des emplois publics. Ainsi, le ratio pension/salaire diminue d’autant plus que la progression des salaires réels est forte.
Compte-tenu des mesures déjà décidées, l’âge moyen de départ à la retraite passerait de 62,4 en 2020 à 63,8 ans à partir de 2036. Malgré cette hausse, le ratio retraités/cotisants passerait de 0,583 en 2021 à 0,747 en 2050 (+28%).
En 2022, le système de retraite a été en léger excédent (3,2 milliards d’euros). Les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB. Elles seraient de 13,9 % du PIB en 2027. Dans la projection privilégiée, elles seraient, au maximum, de 14,5 % du PIB en 2032 (soit un déficit potentiel de 0,7 point du PIB) ; de 14,2 % en 2050 ; de 13,7 % en 2070.
En 2050, année de déficit maximum pour le secteur privé, le Régime général aurait un déficit de 0,8 point de PIB, la CNRACL (la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers) aurait un déficit de 0,3 point, les autres régimes du secteur public auraient un excédent de 0,8 point. Le déficit global serait de 0,3 point. Toutefois, l’État ne serait pas obligé d’utiliser l’excédent ainsi dégagé pour financer les retraites du Régime général, de sorte que le déficit des retraites peut être évalué à 1,1 point. Par ailleurs, un taux de chômage à 5 % (plutôt qu’à 7 %) diminuerait le déficit de 0,3 point de PIB. L’Unedic aurait alors en excédent de 0,8 point de PIB (au lieu de 0,3 point avec un taux de chômage à 7%) qu’il serait possible de transférer aux retraites par un ripage de cotisations. L’évaluation du solde de l’ensemble des assurances sociales (retraites +chômage) est problématique : un déficit de 0,8 point (avec un taux de chômage de 7%) ou l’équilibre (avec un taux de chômage de 5 %), avec, dans les deux cas, 0,8 point de PIB économisé par l’État. Ces perspectives n’en sont pas moins utilisées par le gouvernement pour prétendre que le système actuel n’est pas soutenable.
La vraie question est cependant celle de l’évolution du niveau des retraites. En effet, c’est la forte baisse du niveau relatif des retraites qui permet de contenir la hausse des dépenses de retraites. Ainsi, dans la projection à 1 %, la pension moyenne nette passerait de 61,2 % du salaire moyen net en 2021 à 51,6 % en 2050 (-15,7 %), puis à 45,4 % (-25,8%) en 2070. En 2021, le niveau de vie des retraités est égal à celui de l’ensemble de la population. Il n’en serait plus que de 89 % en 2050 ; de 84 % en 2070. Les retraités seraient de nouveau la partie pauvre de la population. Le système de retraite ne court pas de risque de faillite, son évolution est contrôlée, mais la hausse des dépenses et des recettes n’en est pas moins nécessaire.
La réforme Macron-Borne
Macron et son gouvernement refusent toute hausse des cotisations. Ils souhaitent équilibrer financièrement le système, ouvertement par le recul du départ à la retraite, insidieusement par la baisse du niveau relatif des pensions. Leur perspective se limite à 2030 ; ils ne présentent pas d’évolution à long terme. Ils imposent cette réforme, malgré l’opposition unanime des syndicats. C’est un nouveau recul de la démocratie sociale.
La mesure essentielle est le recul du départ à la retraite. L’âge minimal de départ à la retraite passerait à 64 ans de 2023 à 2030, au rythme d’un trimestre, de recul par an, tandis que la durée de cotisation requise pour une retraite au taux plein augmenterait à 43 ans, dès 2027. Toutefois, l’âge d’annulation de la décote resterait à 67 ans.
Après les concessions faites par le gouvernement, 43 années cotisées permettraient toujours de partir au taux plein de sorte que le recul du départ à la retraite à taux plein serait de 1 ans pour tous, sauf pour ceux qui ont commencé à travailler à 15-16 ans, (mais ils sont peu nombreux) ou pour ceux qui ont eu de longues interruptions de carrière et partiraient toujours à 67 ans. Par contre, certaines femmes perdraient l’avantage de la Majoration de Durée d’Assurances et devraient travailler jusqu’à 64 ans, au lieu de 62. A âge de départ constant, certains salariés subiraient des décotes, d’autres perdraient des surcotes.
Par ailleurs, le gouvernement a décidé d’une baisse de 25% de la durée maximale d’indemnisation au chômage, soit 2 ans et 3 mois pour les plus de 55 ans au lieu de 3 ans. Ces mesures, prises sans remise en cause des conditions de travail et du déroulement des carrières, sans prise en compte sérieuse de la pénibilité des emplois, pèseront lourdement sur des salariés qui n’ont pas la capacité physique de se maintenir dans leur emploi, sur ceux que les entreprises licencient après 55 ans ou sur ceux ayant une « faible employabilité » – avec peu de chance de retrouver un emploi.
Les régimes spéciaux de retraite seraient fermés pour la RATP, les IEG, les clercs et employés de notaires, la Banque de France. Comme pour la SNCF, les nouveaux embauchés seraient affiliés au régime général pour la retraite. Ceci n’est pas sans poser problème car il n’est pas satisfaisant pour une entreprise d’avoir des personnels obéissant à des statuts différents ; la SNCF et la RATP auront du mal à recruter du personnel dont les droits à retraite sont dégradés sans mesures compensatoires.
Plutôt que d’harmoniser vers le bas, il aurait fallu généraliser à tous les travailleurs à condition de travail difficile les dispositifs dont bénéficient les personnels des entreprises publiques. En fait, les mesures annoncées pour les emplois pénibles sont d’ampleur très limitée. Le Compte Personnel de Prévention serait maintenu, même s’il a peu d’effet : les points seraient seulement acquis un peu plus rapidement. Le gouvernement refuse de remettre en vigueur les quatre facteurs de risques supprimés en octobre 2017 sous la pression du patronat. Le texte mais annonce seulement un meilleur suivi par la médecine du travail, et un départ à 62 ans à taux plein en cas d’inaptitude au travail. Dans le public, la prise en compte de la pénibilité continuera à se faire par le régime des catégories actives (policiers, surveillants pénitentiaires, pompiers, éboueurs et égoutiers, etc.), et donc un départ précoce à la retraite, ce qui serait supprimé pour les entreprises publiques et refusé pour le privé.
Pour compenser un peu le report de l’âge de la retraite, le gouvernement a annoncé une hausse de 100 euros du minimum contributif majoré (MICO), de sorte qu’une retraite minimum de 85% du SMIC net, soit de 1200 euros, serait garantie pour une carrière complète au SMIC, garantie qui était déjà dans la loi de 2003, mais qui n’a pas été tenue. Les 85% du SMIC ne seraient atteints que le mois de la liquidation. Ensuite, la pension, indexée sur les prix, dériverait par rapport au SMIC. Le minimum brut sera, en fait, de 1170 euros, soit, compte-tenu de la CSG-CRDS, 1120 euros en net (81,4% du SMIC net, 72,6% du SMIC plus prime d’activité).
Bénéficier du MICO suppose d’avoir liquidé sa retraite à taux plein et d’avoir cotisé plus de 120 trimestres. La garantie ne jouerait à plein que pour une carrière complète, alors que beaucoup des basses retraites proviennent de carrières incomplètes (4,2 millions sur 6 millions). Selon le gouvernement, 200 000 retraités bénéficieraient chaque année d’une hausse de leur pension pour un gain moyen de 33 euros par mois. La mesure s’appliquerait aussi aux retraités ayant déjà liquidé leur pension en bénéficiant du MICO. Cela demandera de recalculer leur retraite, ce qui devrait prendre au moins un an. 1,8 millions de retraités en bénéficieraient pour un gain moyen de 57 euros par mois. Il eût été plus simple de revaloriser toutes les petites pensions, mais le gouvernement a voulu récompenser ceux qui ont le plus cotisé.
Aucune mesure contraignante, aucune pénalité financière ne frapperait les entreprises qui continueront à ne pas embaucher des salariés plus de 50 ans, à inciter au départ des plus de 55 ans. Il est seulement question de créer un index seniors dont le contenu n’est pas précisé.
La réforme arriverait à maturité en 2032. Elle induirait une hausse de 0,7 an de l’âge moyen du départ à la retraite, soit, compte tenu des évolutions prévues avant la réforme, de 62,7 ans en 2022 à 64,8 ans en 2035 (+2,1 ans). La génération 1973 passerait, en moyenne 23,9 ans en retraite (27% de sa vie), soit moins que la génération 1960 (24,4 années, 28% de sa vie).
La réforme augmenterait de la pension moyenne des hommes de 0,9 %, celle des femmes de 2,2 %, En fait, chaque retraité aurait une pension plus faible en partant à 64 ans après la réforme qu’avant. Certains toucheront un peu plus à 64 ans qu’ils touchent actuellement à 62 ans (tout en perdant 8 % de durée de retraite). Par ailleurs, le COR tablait sur une baisse globale de 5% du niveau relatif des pensions d’ici 2035, baisse qui ne serait donc que légèrement réduite.
Selon le gouvernement, la réforme augmenterait de 350 000 la population active disponible en 2035 (soit +1,1%). Il n’est pas prouvé que maintenir des seniors sur le marché du travail est en soi un facteur de création d’emplois supplémentaires. Le gouvernement n’envisage pas d’embauches dans l’éducation, la santé, les EHPAD pour absorber le surplus de demandeurs d’emploi. En fait, selon les modèles macroéconomiques, la hausse de la population disponible augmenterait à terme le taux de chômage, ce qui ferait baisser les salaires et aurait un effet dépressif sur le plan macro-économique.
Grâce à ces mesures, le système de retraite serait équilibré en 2030 au lieu d’être déficitaire de 13,5 milliards (0,4% du PIB). En fait, le report des âges de départ à la retraite rapporterait 14 milliards, la hausse du minimum contributif coûterait 1,8 milliard (0,6% du montant des retraites), l’amélioration de conditions de départs pour inaptitude 0,5 milliard, 1 milliard serait obtenu par un transfert de 0,12 point de cotisation du régime des accidents du travail, 0,7 milliards par la hausse des cotisations à la CNRACL. Le chiffrage ne prend en compte ni l’effet favorable sur les finances publiques qu’aurait la hausse éventuelle de la production, ni le coût des hausses des dépenses de chômage et d’assistance.
Que proposer ?
Le mouvement social ne doit pas se limiter à défendre le système des retraites tel qu’il est. Il est nécessaire de corriger ses défauts et de garantir sa pérennité pour les jeunes générations.
Le système de retraite doit viser à corriger toutes les inégalités issues du marché du travail. Ainsi, il doit garantir un taux de remplacement net élevé pour les bas salaires (de l’ordre de 85 %), satisfaisant au salaire moyen (75 %) et plus faible pour les hauts salaires. Il doit maintenir l’objectif de départs relativement précoces et différenciés (à 60 ans pour les travailleurs manuels, à 62 ans pour la plupart, à 65 ans pour les cadres et les professions intellectuelles).
Toutes les personnes à la recherche d’un emploi (les jeunes en particulier) doivent bénéficier d’une allocation d’insertion, soumises à cotisation retraite. La décote ne doit pas s’appliquer sur les basses pensions (par exemple, en dessous de 85% du SMIC).
Les majorations pour enfant élevé doivent devenir forfaitaires et concentrées sur les mères (par exemple, 100 euros par enfant élevé, 150 euros à partir du troisième), alors qu’actuellement elles profitent surtout à des hommes à salaires élevés.
La prise en compte des emplois pénibles devrait être unifiée, renforcée et mieux ciblée. Des accords de banches doivent garantir que les salariés qui occupent des emplois pénibles, des emplois qu’il n’est pas possible de tenir après un certain âge, puissent évoluer vers des postes moins exposés ou partir à la retraite précocement. Les chômeurs de longue durée, sans espoir de retrouver un emploi normal, doivent avoir le choix entre une pension d’invalidité, la retraite à taux plein ou un emploi de dernier ressort.
Foncièrement, les retraites sont des assurances sociales, qui doivent être financées par des cotisations assisses sur les revenus des actifs couverts. Cela justifie que le système verse des pensions plus élevées à ceux qui ont eu des salaires plus élevés. On ne peut pas faire cotiser pour la retraite des revenus du capital qui n’ont pas droit à prestations[1] ; cette prétendue cotisation serait alors un impôt, ce qui justifierait d’aller progressivement vers une prestation forfaitaire de faible niveau.
Le ratio retraités/cotisants devrait augmenter d’environ 28 % d’ici 2050. La stabilité du ratio pension moyenne/salaire moyen demande que les dépenses de retraites passent en 2050 à 16,5 %, du PIB soit 2,7 points de plus qu’en 2022. Un taux de chômage de 5 % libérerait 18 milliards d’excédent à l’Unedic (0,7 points de PIB). Les taux de cotisation retraite devrait donc augmenter de 5 points, soit 0,25 point par an pendant 20 ans. Selon le rapport de force, les cotisations patronales ou les cotisations salariés. En contrepartie les droits à retraite doivent socialement garantis, de sorte qu’aucune génération n’ait le sentiment de cotiser pour rien.
Revenir totalement à l’indexation sur les salaires des salaires pris en compte et des pensions déjà liquidés coûterait 3,5 points de PIB ; revenir au départ à 60 ans, avec une durée de cotisation requise de 40 années, coûterait 2,5 points de PIB. Les dépenses de retraites devraient passer à 20 % du PIB, avec une hausse des cotisations retraite de 14 points. Certes, le niveau des cotisations peut augmenter, mais une telle hausse serait ressentie comme excessive. Les dépenses de retraites entrent en concurrence avec les dépenses de prestations familiales, d’aide aux jeunes adultes, de santé, de dépendance. Il paraît difficile dans cette optique de revaloriser massivement les retraites, d’abaisser pour tous l’âge ouvrant le droit à la retraite.
Le projet de réforme se heurte à un large refus des salariés, qui refusent de travailler un ou deux ans de plus. Une situation où les salariés attendent avec impatience leur retraite n’est pas satisfaisant. La France se caractérise par un haut niveau de mécontentement des salariés qui se plaignent de leurs conditions de travail, des surcharges de travail qui empêche de faire leur travail correctement, d’une hiérarchie trop pesante et des méthodes « modernes » de management qui les privent le salarié de toute autonomie. Les emplois doivent devenir plus attrayants et moins stressants, cela nécessite des embauches en particulier dans les services publics. Les inégalités de salaires et de statuts, comme les rapports hiérarchiques doivent être repensés ; les salariés doivent avoir plus de pouvoir dans l’entreprise, ceci à tous les niveaux de l’atelier au Conseil d’administration. Changer le travail devrait être un préalable à la réforme des retraites.
(crédit photo © FREDERICK FLORIN / AFP]
[1] La nécessaire réforme fiscale augmenterait la taxation des revenus financiers, des patrimoines élevés et des successions, mais les ressources ainsi dégagées ne peuvent financer les retraites.