Quand l’écriture de science-fiction des travailleurs d’Amazon imagine un monde post-Amazon

Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, parle souvent d’un renouveau de l’humanité sur d’autres planètes. Un atelier d’écriture de science-fiction avec des travailleurs d’Amazon s’est organisé autour de l’objectif d’imaginer comment la vie pourrait être différente ici même sur Terre, dans un monde sans les grands patrons comme Bezos.

Par Xenia Benivolski, Max Haiven, Sarah Olutola et Graeme Webb

Les exigences d’Amazon à l’égard de ses 1,5 million d’employés sont tristement célèbre. Les travailleurs des entrepôts doivent suivre une cadence de travail imposé par un management algorithmique mobilisant l’intelligence artificielle (IA) pour maximiser leur rendement, en s’appuyant sur le fonctionnement des robots d’usine. Ceci produit une situation om un régiment de travailleurs, de chauffeurs-livreurs et de sous-traitants de livraison font la course pour atteindre les quotas assignés par le « borg » ou, dit autrement l’automate. A côté de cela, vous avez l’esclavage numérique où les micro-travailleurs rivalisent pour être payés quelques centimes de plus pour des microgigs sur la plateforme Mechanical Turk (MTurk). Même les cols blancs de haut rang font état d’une impitoyable culture  d’entreprise où les employés sont astreint à porter le fardeau de la « satisfaction du client ».

De fait, on nage en pleine science-fiction dystopique dans laquelle des conditions de travail de plus en plus insupportables ravagent des pans entiers de classe laborieuse et où un management panoptique écrase leur auto-détermination. Évidemment, tout cela n’a qu’une seule finalité, à savoir la maximisation des profits d’un multimilliardaire dont la richesse est déjà incompréhensiblement illimitée.

Mais le fondateur emblématique d’Amazon, Jeff Bezos, qui en est aujourd’hui le président exécutif, présente son entreprise aux clients et aux actionnaires sous un jour bien différent. Ce geek féru de science-fiction ressemble de plus en plus à un ange exterminateur venu du futur, qui bouleverse des secteurs à faible rentabilité tels que la logistique, pour investir le secteur des soins de santé, des médias tout comme les biens de consommation digne d’une épicerie, des services web à la littérature. Tout ceci nous dit une chose : Amazon incarne une forme de capitalisme qui ne se contente pas d’exploiter les travailleurs dans le présent, mais qui est déterminé à coloniser l’avenir lui-même.

Mais, confrontés à des pressions sur leur lieu de travail, les travailleurs commencent à s’organiser contre l’empire d’Amazon. Aux États-Unis, l’action réussie du syndicat Amazon Labor Union à Staten Island a provoqué une onde de choc et encouragé d’autres initiatives. Entre-temps, d’autres syndicats, comme Amazonians United se concentrent moins sur l’obtention d’une reconnaissance en tant qu’interlocteur que sur le renforcement du pouvoir d’agir des travailleurs à la base. Au Royaume-Uni et en France, plusieurs grèves ont perturbé le fonctionnement d’Amazon. En Allemagne, les efforts déployés par les travailleurs migrants pour organiser des comités d’entreprise indépendants ont permis d’obtenir des résultats concrets. De nouvelles coalitions mondiales, dont Make Amazon Pay, Amazon Workers International et Athena relient les luttes des travailleurs à d’autres luttes dans le monde entier, ainsi qu’à la société civile et aux structures militantes.

Pourtant, trop souvent, nous sommes tellement focalisés sur les luttes immédiates de la classe laborieuse que nous négligeons de poser les grandes questions : quel futur voulons-nous pour toutes celles et ceux qui sont contraints de travailler pour gagner leur vie ? La course spatiale des magnats que sont Richard Branson, Elon Musk et Jeff Bezos reçoit une attention médiatique permanente et révèle l’influence profonde de la science-fiction comme ressource symbolique dans la construction d’une image de marque.

Pour le savoir, nous avons, au cours des derniers mois, développé un projet d’écriture collaborative avec les travailleurs d’Amazon autour de fictions spéculatives sur « le monde après Amazon ». À l’heure actuelle, une quinzaine de travailleurs écrivent des nouvelles de 2 500 mots que nous publierons sur papier et en ligne et qui seront disponible également sous forme de podcast. Nous espérons une diffusion virale, où les travailleurs nouent un dialogue ensemble pour déployer leur potentiel créatif. Chez Amazon et au-delà, il s’agit du droit des travailleurs de reprendre en main leur avenir l’avenir et d’imaginer un horizon différents que celui d’une dystopie devenue réalité.

L’histoire de l’entreprise Amazon

Il y a à peine une génération, la science-fiction était souvent considérée comme une affaire de losers et de ringards qui osaient imaginer que le monde pouvait être différent, ou qui tentaient d’imaginer la fin dystopique du capitalisme. Mais depuis l’aube du nouveau millénaire, le genre est passé des marges de la société au centre de l’imaginaire capitaliste. Il ne s’agit pas seulement de la démultiplication des épopées de science-fiction au cinéma et à la télévision, alimentée par l’imagerie générée numériquement. Il faut bien constater la montée en puissance des entreprises technologiques avec à leur tête des milliardaires qui se glorifient eux-mêmes et qui se considèrent comme des acteurs à part entière de la société ou des héros d’un opéra spatial, bouleversant les conventions au nom de l’avenir radieux de l’humanité.

La course spatiale privée entre Richard Branson, Elon Musk et Jeff Bezos révèle non seulement la richesse obscène que le capitalisme a placée entre les mains de ces visionnaires auto-proclamés, mais aussi l’influence profonde de la science-fiction en tant que genre. C’est à la fois une source d’inspiration personnelle pour eux et une source de relations publiques séduisantes qui insistent sur le fait que ces figures messianiques iront audacieusement là où aucun ploutocrate n’est allé auparavant.

Les biographies et les interviews de Bezos révèlent son amour particulièrement intense pour la science-fiction. Ses collègues font état de sa collection massive de romans SF. On dit avec certitude qu’il a modelé son apparence et son style de leadership sur l’emblématique capitaine Jean-Luc Picard de Star Trek : The Next Generation, une série qui l’a également amené à envisager d’appeler sa société MakeItSo.com, d’après la phrase d’accroche emblématique du commandant Picard. Bezos est même crédité d’avoir à lui seul sauvé la (fascinante) série de science-fiction The Expanse d’un seul coup de crayon, en ordonnant au Studios Amazon d’acheter les droits et de prolonger la franchise assiégée. Cette décision était d’autant plus ironique que la série mettait l’accent sur la rébellion de la classe laborieuse et sur les méchants chefs d’entreprise.

Au-delà des goûts personnels, la science-fiction a été un élément essentiel de la vision d’entreprise d’Amazon. Bon nombre des inventions les plus célèbres d’Amazon, de la reconnaissance vocale Alexa à ses entrepôts robotisés, s’inspirent de thèmes directement tirés de livres de science-fiction et de la télévision. Le slogan « have fun, work hard, make history » (s’amusez-vous, travaillez dur et écrivez l’histoire), qui figure sur les murs de la quasi-totalité des installations d’Amazon, témoigne de sa priorité optimiste à transformer le monde, même si la grande majorité des travailleurs ne connaîtront jamais que la partie où ils travaillent dur. La rhétorique futuriste, qui a émaillé la célèbre lettre annuelle de Bezos aux actionnaires alors qu’il était encore PDG de l’entreprise, a contribué au succès d’Amazon auprès des investisseurs. Cette richesse a été utilisée pour financer le fantasme techno-utopique d’un milliardaire qui se voyait comme le « grand perturbateur » et le pionnier de l’avenir.

Ce qui est en jeu, c’est une sorte de storytelling d’entreprise, qui va au-delà de la propagande grossière et s’efforce d’exploiter l’imagination. Comme tant d’autres entreprises, Amazon se présente comme surfant sur la vague de l’avenir, répondant à la force implacable et positive du marché capitaliste par l’innovation et l’optimisme. De telles histoires exonèrent proprement l’entreprise et ses bénéficiaires des conséquences de leurs choix pour les travailleurs et leur monde.

Ils s’appuient sur un récit dominant qui insiste sur le fait que la « technologie » et les « marchés » sont des forces neutres et imparables. Ces histoires soigneusement entretenues ont également alimenté le second rêve de Bezos de propulser audacieusement l’humanité dans les étoiles, laissant derrière soi la planète Terre comme une sorte de musée vivant ou de réserve naturelle. Bezos, ses acolytes comme ses rivaux se présentent comme des visionnaires incompris, appelés par la science et le progrès à investir les richesses que le marché bienveillant leur a accordées dans des projets lunaires qui défient les priorités terrestres (comme, par exemple, payer un salaire décent aux travailleurs).

Les rêves utopiques de ploutocrates comme Bezos reposent sur une dystopie pour les travailleurs – et pour le monde qu’il entend laisser derrière lui sur les ruines de la Terre.

Lors de la presse conférence de tenue après son voyage de 2021 vers une orbite proche à bord de la fusée de sa société privée Blue Origin, Bezos a remué le couteau dans la plaie en remerciant du fond du cœur « chaque employé d’Amazon et chaque client d’Amazon » en rajoutant sur le ton de la plaisanterie « C’est vous qui avez payé pour tout cela ».

La suggestion  ne pourrait être plus claire : les rêves utopiques des ploutocrates comme Bezos reposent sur une dystopie pour les travailleurs et pour le monde qu’il entend laisser derrière lui sur les ruines de la Terre. Quel sera l’avenir des travailleurs qui ont produit leur richesse ? Aurons-nous notre mot à dire pour façonner l’avenir ? Ou sommes-nous destinés à nous battre pour les ressources d’une Terre détruite ou à extraire des astéroïdes pour alimenter des empires galactiques ? Comment pouvons-nous récupérer le pouvoir de l’imagination de la science-fiction pour la classe laborieuse ?

Science-fiction prolétarienne

Au XIXème siècle, les fondateurs de la fiction spéculative, comme Mary Shelley, Jules Verne et H. G. Wells, appartenaient souvent à l’intéllentsia bourgeoise ou à la classe moyenne. Pourtant, ils ont été profondément inspirés et façonnés par cette période de la lutte des classe. Le conte de Frankenstein, qui met en garde contre l’emballement de la science, a par exemple été influencé par les soulèvements luddites contre les machines dans l’Angleterre natale de Shelley, alors que la classe laborieuse de ce pays commençait à prendre conscience de son identité collective et de son rôle historique.

Metropolis de Fritz Lang, l’un des premiers films de science-fiction, tourne autour d’un soulèvement ouvrier et d’une libération par les machines. En Union soviétique, la science-fiction a été développée comme un genre approprié (bien que potentiellement subversif) pour refléter le potentiel de libération des travailleurs de la modernité sous le socialisme d’État. De l’autre côté du rideau de fer, les écrivains occidentaux se sont tournés tout au long du XXème siècle vers la science-fiction comme moyen d’explorer d’autres mondes pour les travailleurs au-delà de l’opposition binaire Est/Ouest, notamment des romancières féministes comme Marge Piercy, Octavia Butler et Ursula K. Le Guin. À la fin du siècle, des théoriciens de la littérature critique comme Fredric Jameson et Darko Suvin ont noté que, loin d’être une simple distraction abrutissante et commercialisée, le genre offrait un point de vue unique sur le monde capitaliste.

Dans la plupart des cas, c’est l’écrivain, en tant que travailleur spécialisé, qui se voit attribuer le monopole de l’imagination, chargé d’imaginer un monde que lectorat va découvrir. Cependant, l’avenir étant de plus en plus accaparé par le capital, les organisateurs de mouvements sociaux ont constaté que l’écriture de fictions spéculatives était aussi un moyen d’améliorer les conditions de vie de la population dans le sens où elle a cette capacité à surmonter les impasses de l’imagination, un monde après le capitalisme, ou dans ce cas-ci un monde après Amazon.

Parmi ces efforts, les plus célèbres sont ceux d’Adrienne Maree Brown et de Walidah Imarisha. Octavias  Brood d’Adrienne Maree Brown et Walidah Imarisha, une série coéditée de nouvelles écrites par des community organizers (des activités de comités de quartier ou de mobilisations sociales). Inspirées par Octavia Butler, qui a donné son nom au livre, les nouvelles ont été créées à partir d’histoires développées lors d’une série d’ateliers organisés par les éditeurs à l’occasion de la conférence des médias alternatifs à Détroit. Pour les éditeurs, l’organisation des personnes exploitées et opprimées est déjà une forme de fiction spéculative:

Lorsque nous parlons d’un monde sans prison, d’un monde sans violence policière, d’un monde où tout le monde a de la nourriture, des vêtements, un abri, une éducation de qualité, d’un monde sans suprématie blanche, sans patriarcat, sans capitalisme, sans hétéro-sexisme, nous parlons d’’un monde qui n’existe pas à l’heure actuelle. Mais rêver collectivement d’un monde qui n’existe pas encore signifie que nous pouvons commencer à le construire.

Pour Brown et Imashira, reprendre le pouvoir d’envisager d’autres avenirs est, en soi, une forme d’organisation communautaire. Dans un monde capitaliste qui marchandise la culture et le divertissement, le fait de réunir des gens pour écrire et partager leurs écrits n’est pas seulement digne, mais souligne également que la forme de la société est trop importante pour être laissée aux politiciens et aux entreprises. C’est particulièrement vrai pour les groupes qui, historiquement et aujourd’hui, ont été exclus de tout droit de regard sur leur avenir ou celui de la société, notamment les femmes et les personnes racialisées et issues de la classe ouvrière.

Une politique similaire visant à amplifier les voix de la marge a également inspiré l’école d’écriture ouvrière (Worker Writers School ou WWS) qui rassemble des travailleurs (principalement, mais pas exclusivement, à New York) et les aide à écrire des haïkus (petits poèmes) qui ont été publiés sous forme de recueils. Pour le poète Mark Nowak, qui est à l’origine du projet, encourager l’écriture ouvrière ne consiste pas seulement à célébrer les piquets de grève ou s’imaginer faire la révolution. Il s’agit aussi de réfléchir aux éléments banals de la vie prolétarienne, aux petits actes de solidarité, aux luttes des travailleurs dans le domaine du care et de la reproduction sociale : le foyer, la famille, la communauté.

WWS ne se concentre pas que sur la science-fiction et montre le pouvoir radical de l’imagination qui se manifeste lorsque les travailleurs ne se contentent pas de lire des mots inspirants, mais se réunissent pour écrire et ainsi reprendre en main le pouvoir de construire le monde et l’avenir. Il ne s’agit pas de trouver un succès commercial ou littéraire individuel, mais de retrouver une dignité et une capacité de s’imaginer un changement social et une lutte commune.

Nous avons vu comment des entreprises comme Amazon illustrent amplement le pouvoir de la narration capitaliste dans l’idiome de la science-fiction. Reste à savoir comment les travailleurs peuvent-ils réclamer et réinventer cette capacité imaginaire ?

Renouer avec la méthodologie de l’enquête ouvrière

Les initiatives que nous avons mentionnées sont importantes, mais elles ne sont pas les premières du genre. Au XIXème siècle, Karl Marx et Friedrich Engels ont encouragé leurs collègues communistes à envoyer des questionnaires aux travailleurs pour connaître, depuis l’atelier, la réalité des travailleurs sur le lieu de production. Il ne s’agissait pas seulement pour les intellectuels de découvrir les principales luttes et tensions auxquelles les travailleurs étaient confrontés. Dans un monde capitaliste qui marchandise la culture, le fait de réunir des gens pour écrire n’est pas seulement une source de fierté et de dignité, mais souligne également que la forme d’écriture à propos de la société est trop importante pour être laissée aux politiciens, aux entreprises ou aux intellectuels dotés d’un capital culturel.

Dans les années 1950 et 1960, des syndicalistes dissidents de Detroit, luttant contre le conservatisme et la complaisance des syndicats envers le racisme mobilisé par les entreprises pour diviser les travailleurs ont relancé cette méthode d’enquête sur les travailleurs. Ils ont créé des espaces pour publier les commentaires des travailleurs sur leur expérience quotidienne de l’exploitation et de l’organisation du travail, qui étaient autrement rendus invisibles, même par les publications syndicales traditionnelles. Ces témoignages des travailleurs de la ville de Détroit également appelée Motor City ont également fait leur chemin jusqu’en Italie.

Ces écrits ont catalysé une nouvelle vague de radicalisme parmi les intellectuels et les travailleurs, qui s’efforçaient de faire face aux développements industriels sismiques de villes comme Turin et aux nouvelles formes de militantisme ouvrier qui émergeaient dans les ateliers. Au-delà du contrôle ou de l’influence du parti communiste italien ou de ses responsables syndicaux, les organisateurs ont encouragé les travailleurs à étudier, à discuter et à écrire sur leurs luttes, afin d’honorer et de reconnaître les travailleurs en tant qu’intellectuels et d’établir de nouvelles relations de solidarité à la base.

L’enjeu de toutes ces approches sur l’enquête ouvrière  est la conviction que les travailleurs de base, dont les corps et les esprits sont exploités par le capital, peuvent avoir accès à des connaissances sur le capitalisme qui dépassent même les plus brillants théoriciens ou les analyses sociologiques du capitalisme. En aidant les travailleurs à se réapproprier le pouvoir de raconter et d’analyser leurs histoires, de réfléchir à leurs vies et à leurs luttes, un espace est créé où de nouvelles perspectives radicales peuvent émerger. Cela est particulièrement vrai dans les moments où le capitalisme se transforme rapidement et radicalement, comme ce fut le cas à Détroit ou à Turin dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

Lorsqu’elles sont révélées, ces idées peuvent aider les travailleurs à surmonter les limites des formes de lutte traditionnelles. Elles permettent aux travailleurs de mieux reconnaître la capacité d’adaptation du capitalisme – et de voir qu’ils changent également en réponse à ce dernier ou en le rejetant. Facilité par le partage en ligne des technologies, ce potentiel n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui. L’enquête ouvrière a pour objectif de fournir les outils qui permettront à la classe ouvrière de se voir se transformer.

Cette approche peut-elle servir de catalyseur à une nouvelle génération afin qu’elle développe ses propres formes de lutte – en utilisant à la fois des techniques traditionnelles et innovantes ?

Au-delà de la dystopie capitaliste

Notre projet Worker as a futurist (le travailleur comme penseur du futur) redonne la capacité d’une pensée spéculative aux travailleurs, au nom de la compréhension de quelque chose de nouveau sur le capitalisme et de la lutte pour quelque chose de différent. Nous avons mobilisé ces travailleurs pour qu’ils imaginent au travers de l’écriture leur propre avenir, face aux imaginaires cultivés par Amazon qui voient les techno-dominateurs dominer le monde et les étoiles.

Grâce au financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, notre équipe d’universitaires, d’enseignants, d’écrivains et d’activistes a pu payer des travailleurs d’Amazon (magasiniers, chauffeurs, rédacteurs, travailleurs MTurk, etc.) pour participer à une série d’ateliers d’écriture et de séances d’information visant à renforcer les compétences.

Dans chacun de ces forums en ligne, nous avons été rejoints par des experts de la science fiction, d’Amazon et des luttes des travailleurs. À la fin de cette série de sessions, les participants ont été encouragés à rédiger les histoires qu’ils voulaient raconter sur « Le monde après Amazon ». Ce projet est soutenu par un podcast basé sur des interviews de militants syndicaux, d’artistes, d’auteurs et de penseurs qui contestent le monde qu’Amazon est en train de construire et se battent pour des avenirs différents.

Le projet Worker as Futurist vise à créer un espace et à partager du temps libre pour que les travailleurs puissent exercer et échanger à propos de leurs mondes imaginatifs. L’enjeu n’est pas seulement la dignité des travailleurs en tant qu’âmes créatives et expressives, mais aussi l’avenir que nous construirons collectivement.

Nous devons envisager l’avenir que nous voulons afin de nous mobiliser et de nous battre ensemble pour lui, plutôt que de céder cet avenir à ceux qui voudraient faire des étoiles leur propre bac à sable. C’est dans le processus d’écriture et de partage de l’écriture que nous pouvons prendre conscience de quelque chose que nos corps de travailleurs savent mais que nous ne pouvons pas articuler ou exprimer autrement. Le travailleur de base – cible de l’exploitation quotidienne, forcé de construire l’utopie de son patron – peut avoir crypté en lui la clé qui lui permettra de détruire son monde et d’en construire un nouveau.

 Article publié par Jacobin

 traduction de l’anglais par S. Bouquin